ENQUÊTE – L’uniforme scolaire, un projet porté par la droite dans les Bouches-du-Rhône

Dans les Bouches-du-Rhône, l'uniforme scolaire a fait son entrée sous l'impulsion d'élus de droite. Martine Vassal pour le département, Sophie Joissains à Aix-en-Provence et Renaud Muselier au niveau régional ont répondu à l'appel de Gabriel Attal pour expérimenter cette mesure. Entre vision politique et défis financiers, ce projet éducatif prend forme dans plusieurs établissements du territoire.

Dès l’annonce par Gabriel Attal de l’expérimentation du port de l’uniforme, en décembre 2023, plusieurs élus de droite dans les Bouches-du-Rhône se sont montrés volontaires pour y participer. Parmi eux, Martine Vassal (DVD), présidente du conseil départemental, a été l’une des premières à se positionner. « Depuis que je suis élue, je n’ai de cesse de dire que je souhaiterais qu’il y ait un uniforme pour les enfants dans les collèges », expliquait-elle au journal régional Le Méridional en septembre 2023.

Depuis septembre 2024, deux collèges du département, Château Forbin à Marseille et Mont-Sauvy à Orgon, participent à l’expérimentation, financée conjointement par le département et l’État, avec un budget total de 210 000 euros.

À quelques kilomètres de là, la maire d’Aix-en-Provence, Sophie Joissains (UDI), a engagé une démarche similaire. Longtemps favorable à la mesure, elle avait déjà porté deux propositions de loi sur le sujet en 2013 et 2018 lorsqu’elle était sénatrice. À la rentrée 2024, l’uniforme a ainsi été mis en place dans trois écoles volontaires de sa commune : les maternelles Grassi et Deux Ormeaux, ainsi que le groupe scolaire Pierre-Gilles de Gennes. Là aussi, les coûts sont partagés entre la ville et l’État.

L’uniforme : entre sentiment d’appartenance et symbole d’autorité

Ces initiatives locales ne sont pas isolées. À l’échelle nationale, en 2022, Éric Ciotti, alors candidat à la présidence de LR, déposait une proposition de loi visant à instaurer une tenue unique dans les établissements scolaires, soutenue par plusieurs députés de droite et d’extrême droite. « L’uniforme permet de donner un sentiment d’appartenance à une collectivité, à une communauté », déclarait en janvier 2024 Charles Ange Ginésy (LR), son ami et successeur à la présidence du département des Alpes-Maritimes, dans les colonnes de Nice Matin.

Même tonalité chez Laurent Wauquiez, alors président du conseil régional d’Auvergne-Rhône-Alpes. Dès septembre 2023, lors de l’inauguration du lycée Arnaud-Beltrame à Meyzieu aux côtés de Gabriel Attal, il avait annoncé son souhait de participer à l’expérimentation. Un an plus tard, quatre établissements de la région expérimentent à leur tour l’uniforme.

La question de l’uniforme s’inscrit dans une représentation plus large de l’éducation, traditionnellement portée par la droite : un renforcement du respect envers les enseignants, une valorisation de l’autorité et de la discipline. En matière d’éducation, l’engagement de Sophie Joissains dépasse la simple question vestimentaire. « L’école doit être un lieu de sacralisation du savoir », affirmait-elle en Conseil municipal en juin dernier.

L’uniforme scolaire incarne aussi une certaine vision politique de l’école, dans laquelle l’appartenance à une identité collective prime sur l’expression individuelle. « Il y aura un sigle discret qui sera mis sur chacun des vêtements pour qu’il y ait un sentiment d’appartenance et d’identité de chacun des établissements scolaires », déclarait aussi Martine Vassal sur Sud Radio en août 2024.

Un projet politique, mais pas à n’importe quel prix

Reste une question de taille : celle du financement. Annoncé à l’automne 2023 par Gabriel Attal, le dispositif mis en place à la rentrée 2024, repose sur un cofinancement, avec une prise en charge partielle par l’État, plafonnée à une centaine d’euros par élève.

Les collectivités locales ont pu s’appuyer sur l’État pour lancer l’expérimentation. Toutefois, en l’absence de crédits prévus dans le budget initial pour 2025, plusieurs élus ont exprimé leurs réserves, voire mis fin au projet dans leur territoire. C’est notamment le cas dans la région Sud Provence-Alpes-Côte d’Azur : début mars, son président Renaud Muselier avait annoncé la fin de l’expérimentation dans les deux lycées volontaires, à Châteaurenard et à Nice. « Le deal de départ était que les familles ne payaient rien. La région payait la moitié et l’État l’autre partie », avait-il expliqué au Figaro, pointant du doigt l’incertitude sur la participation financière de l’État à moyen terme.

Face à ces remises en cause, le ministère de l’Éducation nationale a réaffirmé le 7 mars son intention de poursuivre l’expérimentation à la rentrée prochaine, en annonçant une réallocation budgétaire pour maintenir le dispositif. Cette clarification de la position de l’Etat, a finalement entraîné Renaud Muselier à maintenir l’expérimentation. Un bilan national est attendu fin avril afin d’évaluer les premières retombées de la mesure et d’envisager, si besoin, des ajustements pour l’année scolaire 2025-2026.