HISTOIRE – L’uniforme scolaire en Angleterre

L’uniforme scolaire, symbole historique et culturel du paysage éducatif britannique, suscite depuis plusieurs siècles autant d’adhésion que de débats. Entre valorisation de l’unité et revendications d’expression individuelle, la question de son avenir reste en suspens.

Quand les traditions se heurtent aux enjeux contemporains

Établi aussi bien dans les écoles privées que publiques, l’uniforme scolaire est solidement ancré dans le paysage britannique. Imposé au 13e siècle par l’archevêque de Canterbury, Stephen Langton, ce vêtement apparait en 1222 sous le nom de « cappa clausa ». Très vite, il est réutilisé puis démocratisé par les établissements au point de devenir, aujourd’hui, un véritable symbole culturel. 

À ses débuts, l’uniforme ressemble à une longue cape avant d’être repris par les écoles de charité, entretenues sur la base du volontariat par les habitants, qui le raccourcissent pour en faire une redingote bleue, ce qui leur value le surnom de « bluecoats ». Peu à peu, la tenue unique se répand au sein des enceintes scolaires, notamment grâce aux lois de 1870 et 1950 qui rendent les écoles primaires, puis secondaires, obligatoires. Selon un rapport conduit par Trutex, fournisseur majeur dans le pays, 90% des établissements ont adopté ce vêtement en 2017.

Intégré dans la tradition du pays, l’uniforme est officiellement brandi comme rempart contre le harcèlement. Officieusement, sa simplicité stylistique plaide en faveur de la sobriété, à l’image de celui de l’Université d’Oxford, identique depuis 400ans et composé d’une tenue noire unie. Outre l’identité collective que peut créer ce dernier, il représente une réelle fierté pour les élèves qui se sentent rattachés à la communauté scolaire. C’est le cas à la Christ’s Hospital School, où 95% des élèves s’étaient exprimés en faveur du maintien de la tenue unique en 2014. Pour les écoles, ce vêtement est certes un moyen d’appuyer leur autorité et d’imposer une discipline aux élèves, mais il relève également d’une stratégie marketing. En effet, l’uniforme est surtout un support publicitaire rentable lorsque les enfants se baladent avec en-dehors de l’enceinte de l’établissement.

D’un point de vue plus technique, il est à noter que chaque institution possède sa propre politique vestimentaire. D’une institution à l’autre, les filles peuvent aussi bien porter une jupe qu’une robe ou un kilt. Pour les garçons, il leur est généralement proposé un pantalon en hiver et un bermuda pour l’été.  En fonction de la composition et du nombre d’exemplaire par vêtement, le prix du trousseau fourni à la rentrée varie. D’après un article de FranceInfo publié en 2019, le pack couterait autour de 323£ soit 376 euros par an pour un collégien contre 243£ (283 euros) pour un élève en primaire.

Mais si l’uniforme est très majoritairement admis au sein du pays, il a récemment été critiqué pour son coût à l’achat par les parents d’élèves. Il est également remis en cause en raison de l’identité personnelle qu’il empêcherait de développer. En effet, des étudiants, ainsi que des experts s’accordent pour dire qu’il briderait la liberté d’expression des élèves. À ce propos, Arya Ansari, professeur de Sciences humaines à l’Université de l’Ohio, a affirmé pour le site Science and Literacy :  « Alors que les uniformes sont censés créer un sentiment de communauté, ils peuvent avoir l’effet inverse. La mode est une façon pour les élèves de s’exprimer, et cela peut être une partie importante de l’expérience scolaire. Lorsque les élèves ne peuvent pas montrer leur individualité, ils peuvent ne pas se sentir à leur place. Les uniformes scolaires ne sont peut-être pas le moyen le plus efficace d’améliorer le comportement et l’engagement des élèves. ». Pour pallier les critiques, certains établissements consultent davantage l’avis des élèves et des parents. Par exemple, à l’école primaire Groombridge St Thomas de Tunbridge Wells, ces derniers participent au choix du nouvel uniforme tous les cinq ans par le biais d’un vote.

Alors tiraillé entre préserver la tradition ou bien répondre aux aspirations contemporaines, la pérennité de l’uniforme va dépendre de l’équilibre trouvé entre individualité et uniformité. Une manière d’offrir, peut-être, un nouvel avenir à ce vêtement emblématique.