Les repères de la controverse

La chronologie de la controverse

1848 - Création de la première École d’Administration

Sous la Seconde République, Hippolyte Carnot, alors ministre de l’Instruction Publique et républicain, crée par décret la première École d’Administration, visant à former les agents de l’Etat. En effet, ces derniers n’avaient pas de formation commune. L'Ecole est toutefois dissoute en 1849 par l’Assemblée législative, sous l’impulsion du comte de Falloux, son successeur conservateur.

1936 - Proposition de création de l'ENA par Jean Zay, ministre de l’Éducation Nationale

Jean Zay, ministre de l’Education Nationale et député, propose une loi pour la création d’une Ecole Nationale de l’Administration, devant permettre une démocratisation du recrutement des fonctionnaires et la fin du népotisme, la plupart des élites administratives étant recrutées par cooptation. Cette loi est acceptée en 1938 par les députés mais rejetée par les Sénateurs.

1945 - Création de l'ENA

Création de l’Ecole Nationale de l’Administration par ordonnance de Michel Debré à la demande du général De Gaulle, qui, tout comme Jean Zay précédemment, voulait démocratiser le recrutement des hauts fonctionnaires. Il s’agissait d’instaurer un concours d’accès unique à la haute fonction publique. 

1946 - Loi sur le statut des fonctionnaires

Adoptée par le gouvernement provisoire suite à l'annulation du statut des fonctionnaires adopté sous Vichy, la loi du 19 octobre 1946 organise la professionnalisation et la carrière des agents de l'État. Elle fixe aussi des principes à la fonction publique notamment celui d’égalité (entrée par voie de concours) et d’indépendance, où le grade, propriété du fonctionnaire, est séparé de son emploi.

1964 - Publication des "Héritiers" de Bourdieu

Publication de l’ouvrage des sociologues Pierre Bourdieu et Jean-Claude Passeron Les Héritiers, les étudiants et la culture dans lequel les auteurs affirment que l’éducation reproduit les inégalités sociales. Tous deux estimaient que l’École Nationale d'Administration, au même titre que d’autres écoles françaises, est monopolisée par les « héritiers de la culture dominante. »

1967 - Publication de "L'énarchie ou les Mandarins de la société bourgeoise" par Jean-Pierre Chevènement

L’énarchie ou les mandarins de la société bourgeoise publié sous le pseudonyme Jacques Mandrin a été en réalité écrit par Jean Pierre Chevènement, un des rares énarques boursiers de la promotion Stendhal (1963-65). Il invente les termes “énarque” et “énarchie” pour qualifier les anciens élèves de l’ENA. Ces termes péjoratifs mettent en lumière un système d’entre soi et de reproduction sociale.

1974 - Valéry Giscard D'Estaing, premier énarque devenu président de la République

Le premier président de la République diplômé de l'ENA est élu : Valéry Giscard D'Estaing. Issu de la promotion Europe, il est entré dans l’ENA en passant par l'École Polytechnique. Il a nommé à la tête du gouvernement, Jacques Chirac, lui-même énarque de la promotion Vauban (1957-59).

1992 - Délocalisation de l'ENA à Strasbourg et occupation de l'ENA par les élèves

La délocalisation de l’ENA à Strasbourg s'inscrivait dans un mouvement plus large de décentralisation des administrations. Abritant un des deux hémicycles du Parlement européen, Strasbourg a été choisie pour ouvrir l’ENA à l’Europe. Les élèves s’opposent à la distance nouvelle des administrations et des intervenants. Jusqu’en 2005, l’école restera donc sur deux sites (Paris et Strasbourg).  

2009 - Décret abandonné du gouvernement sur la suppression du classement de sortie de l'ENA

Le président Nicolas Sarkozy proposait de changer la procédure du classement de sortie dans lequel les élèves de l'ENA les mieux notés ont la possibilité de choisir leur poste de sortie avant les autres afin de promouvoir "la création d'un marché de l'emploi public." La mesure nécessitait l’aval du Parlement, et a été contrée par l'opposition, car elle “ouvrirait la voie à l'arbitraire et au favoritisme".

2017 - Macron se positionne contre la fermeture de l'ENA

Interpellé par un passant à Clermont-Ferrand qui lui reproche d'être "un produit du système" pendant sa campagne présidentielle, Emmanuel Macron, ancien énarque, répond “J’ai une tête de moule ?”. Il poursuit en défendant les concours de la république et ajoute que le vrai scandale n’est pas l’ENA, mais que le système scolaire actuel soit "plus déterministe qu'il y a vingt ans”.

17/11/2018 - Mouvement des Gilets Jaunes et Grand Débat national

En réponse au mouvement des Gilets Jaunes, le gouvernement conduit le Grand Débat National. De nombreuses contributions dénoncent les élites énarques déconnectées et les failles de l’ascenseur social français. La suppression de l'ENA, symbole de l'élite française, revient à plusieurs reprises dans les revendications des gilets jaunes et dans le grand débat national.

25/04/2019 - Proposition de suppression de l'ENA par Emmanuel Macron

Lors d’une conférence de presse à Clermont Ferrand ayant pour objectif l’annonce des mesures ressortant du Grand Débat National, Emmanuel Macron annonce une réforme de l’administration publique, et la possible suppression de l’ENA, "non pas pour se donner le plaisir de supprimer", mais "pour bâtir quelque chose qui fonctionne mieux".

01/02/2020 - Rapport Thiriez sur la haute fonction publique

Frédéric Thiriez, haut fonctionnaire, notamment ancien président de la Ligue de football professionnel de 2002 à 2016 a été chargé par le président de la République de proposer une réforme de la haute fonction publique. Le rapport Thiriez constate que la formation actuelle n'est pas assez diversifiée et propose que l'ENA soit remplacée par une grande « école d’administration publique » (EAP), qui regroupe les administrateurs de l’État (ex-énarques) et les ingénieurs des corps techniques. L'EAP supprimerait le classement de sortie.

8/4/2021 - Annonce de la suppression de l'ENA

A l’occasion de la convention managériale de l’Etat, Emmanuel Macron a déclaré que l’ENA sera remplacée par un nouvel Institut du service public (ISP), qui intégrera un tronc commun à 13 écoles de service public. Les diplômés de l'ISP devront d'abord passer plusieurs années “sur le terrain” avant de pouvoir accéder à la titularisation dans des corps tels que le Conseil d'Etat.

01/09/2021 - Mise en place du programme "Talents" visant à diversifier la formation des hauts fonctionnaires

Emmanuel Macron a annoncé, à l’Institut régional d’administration de Nantes, le lancement du projet "Classes préparatoires talents", visant à diversifier le recrutement dans la fonction publique. 1700 places sont proposées à des étudiants boursiers de l'enseignement supérieur, sélectionnés sur leur parcours académique.

01/09/2021 - Mise en place du programme "Talents" visant à diversifier la formation des hauts fonctionnaires

Emmanuel Macron a annoncé, à l’Institut régional d’administration de Nantes, le lancement du projet "Classes préparatoires talents", visant à diversifier le recrutement dans la fonction publique. 1700 places sont proposées à des étudiants boursiers de l'enseignement supérieur, sélectionnés sur leur parcours académique.

01/01/2022 - Création de l'Institut national du service public

L'Institut national du service public (INSP), créé le 1er janvier 2022 pour remplacer l'École nationale d'administration (ENA), est une grande école d'application française chargée d'assurer la sélection et la formation des hauts fonctionnaires de l'État, rassemblés dans le corps unique des administrateurs de l'État. Visant à faire du temps de scolarité un véritable temps de formation et non seulement de classement des individus, elle propose un tronc commun aux 15 écoles d’encadrement de la haute fonction publique.