Les repères de la controverse

Si la menace pèse toujours sur les caricaturistes, la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen permet un développement majeur de la liberté d’expression et des caricatures, énonçant dans son 11ème article la « libre communication des pensées et des opinions » et le droit de « parler, écrire, imprimer librement ».

Naissance des premiers journaux satiriques illustrés (Le Charivari, La Caricature) et développement de la caricature politique dessinée. Deux phénomènes majeurs se conjuguent: une révolution politique et sociale notable et des progrès en matière d’impression des journaux et surtout d’impression des images, notamment avec une technique nouvelle : la lithographie

Suite à un attentat contre Louis-Philippe, la loi du 9 septembre énonce qu’« aucun dessin, aucunes gravures, lithographies, médailles et estampes, aucun emblème, de quelque nature et espèce qu’ils soient, ne pourront être publiés, exposés ou mis en vente sans autorisation préalable du ministère de l’Intérieur, à Paris, et des préfets, dans les départements »

Alors que les dessinateurs délaissent progressivement la satire politique au profit de la satire sociale, la loi du 29 juillet change la donne : «L’imprimerie et la librairie sont libres.», et ce sans autorisation préalable. Contrebalançant ce droit sont institués le dépôt légal ou encore celui du droit de réponse au profit de toute personne citée, des pénalisations de la diffamation et de l’injure. Encore aujourd’hui, cette loi constitue un des socles essentiels de la liberté d’expression publique en France.

Cette période est souvent considérée comme l’âge d’or du dessin de presse. La presse d’opinion connaît un essor suite à la loi de 1881, l’imprimerie d’importants progrès techniques, et les crises à répétition de la IIIe République clivent fortement le lectorat La censure s’éloigne, le secteur se développe considérablement et aborde des thèmes diversifiés, traitant du politique au sens large, de questions sociales mais aussi du fait religieux.

Alors que les logiques propagandistes battent leur plein, un sursaut éthique intervient avec la création du premier syndicat de journalistes en France. Ce dernier adopte une charte de « devoirs professionnels des journalistes français », fixant les règles de respect du public, des sources et des pairs.

La fin de la guerre marque une nouvelle ère. Le début du déclin de la presse généraliste ou encore la diversification des supports (tv, photo) constituent autant de facteurs qui commencent à impacter le dessin de presse.

Les pays de la Communauté européenne adoptent une déclaration sur la liberté de la presse dont le préambule précise : « Le droit à l’information, à la libre expression et à la critique est une des libertés fondamentales de tout être humain. De ce droit du public à connaître les faits et les opinions procède l’ensemble des droits et des devoirs des journalistes. La responsabilité des journalistes vis-à-vis du public prime toute autre responsabilité, en particulier à l’égard de leurs employeurs et des pouvoirs publics. »

Le quotidien danois Jyllands-Posten publie douze caricatures du prophète Mahomet. Ces dessins déclenchent une polémique mondiale, allant jusqu’à soulever des violences et des tensions internationales à la suite de la polarisation du conflit et de l’escalade
des attitudes de part et d’autre.

Charlie Hebdo s’apprête à publier un numéro intitulé « Charia Hebdo » en réaction à la victoire, en Tunisie, du parti islamiste Ennahda, ainsi qu’à la proclamation de la loi islamique en Libye. Les locaux parisiens du journal sont alors attaqués au cocktail molotov, leur site internet est piraté.

Peu après la publication de caricatures pour le moins controversées, la rédaction du journal Charlie Hebdo est la cible d’une attaque terroriste islamique sans précédent : 12 morts, 11 blessés. La charge symbolique, humaine et politique de ce drame est, encore aujourd’hui, considérable dans les mémoires.

Le cliché du corps sans vie d’un petit Syrien de trois ans, retrouvé sur une plage turque, fait le tour du monde et devient le symbole de la crise migratoire que traverse l’Europe. La publication d’un dessin de Riss tournant cette scène en dérision provoque un tollé dans l’opinion, entre indignation, amalgame et disproportion.