La PMA questionne les valeurs fondamentales de notre société: doit-on être aussi libre de procréer artificiellement que naturellement ? La loi française peut-elle réparer une inégalité biologique ? Est-ce anti-fraternel que d’interdire la procréation à tous ? Les Etats Généraux de la bioéthique, qui se sont déroulés de janvier à juin 2018, ont sondé l’opinion des Français avant la révision de la loi bioéthique. Repoussé à de multiples reprises, au risque de faire monter la pression, le texte devrait finalement être présenté au Parlement à l’été 2019. Si les avancées scientifiques et médicales, ainsi que l’évolution des moeurs, ne cessent d’élargir le champ des possibles, certaines pratiques font naître des fantasmes, attisent les tensions, soulèvent craintes et interrogations. Le 25 septembre, le Comité Consultatif National d’Ethique (CCNE) a notamment préconisé l’ouverture de la PMA à toutes les femmes, la pratique systématique de diagnostics préimplantatoires en cas de fécondation in vitro (FIV), la levée de l’anonymat des donneurs de sperme et le maintien de l’interdiction de la GPA.

Cela a suffi à lancer la polémique en France, alors que dans d’autres pays réputés plus conservateurs, de l’Amérique puritaine à la très catholique Espagne, de telles mesures sont parfaitement admises. Dans le cas des Etats-Unis, « il est paradoxal qu’un pays au mouvement anti-avortement si puissant n’ait pas plus de débat ou de régulation sur la FIV, en particulier les embryons que l’on y crées sans les utiliser », fait mine de s’étonner Hank Greely, professeur de droit à l’Université de Stanford, avant d’expliquer : « Bien sûr les autorités catholiques s’y opposent, mais la plupart des partisans “pro-vie” encouragent les gens à avoir des bébés, ce qui affaiblit l’opposition. » Après tout, aux Etats-Unis, la liberté prime sur l’égalité…

A la différence d’autres pays, la France aborde le sujet de front, même s’il est difficile de le faire sans déchaîner les passions. Dans ce numéro du Chicane, nous avons fait le choix de laisser la parole autant que possible à ceux qui font le débat, afin d’en saisir au mieux toute la complexité et les nuances. Entre souffrances des femmes qui ne peuvent pas être mères et cris d’alarme de ceux qui craignent un changement de société, il est important d’entendre ce que chacun a à dire sur le sujet. La France sortira peut-être grandie, sûrement divisée, de cet exercice, mais pas anéantie. Au moins aura-t-on eu l’audace de débattre du monde que nous voulons pour demain.

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