« Le mot eugénisme a été inventé dans les années 1880 en Angleterre par Francis Galton, cousin de Darwin. Médecins et scientifiques étaient alors tous eugénistes. Le but était d’améliorer l’espèce humaine en allant contrer le progrès médical, qui permet la naissance et la reproduction d’enfants de « mauvaise qualité ». On a donc stérilisé des centaines de milliers d’individus dans le monde pour les empêcher de procréer. Aujourd’hui, l’eugénisme est interdit, alors que c’est exactement ce que l’on va faire, beaucoup plus efficacement, avec la sélection des embryons après FIV et aussi les diagnostics génétiques pré-conceptionnels proposés par le CCNE.

Nous allons sélectionner dans l’œuf les individus « de qualité », pour leur donner la possibilité de vivre et de perpétuer l’espèce. Or tous les embryons d’un même couple étant différents, si l’on en dispose en grande quantité, la potentialité de caractéristiques humaines est énorme. Trier pour- rait ainsi modifier l’espèce en quelques générations. De plus, nous sommes désormais capables chez les souris – et donc bientôt aussi chez l’Homme – de fabriquer des bébés à partir des cellules de la peau, et ainsi d’éviter complètement les actes médicaux pénibles liés à la FIV.

Dans notre société, où le marché passe avant tout principe moral, les oppositions à l’eugénisme sont de plus en plus faibles car il va dans le sens politique du libéralisme intégral: tout est ouvert en fonction des capacités techniques, du coût des interventions, de la demande des individus. Et comme les capacités techniques augmentent très vite, que le coût des interventions diminue, que la demande pour avoir un bébé en parfaite santé augmente très fortement, l’affaire est bouclée !

Il s’agit d’un problème-clé de la bioéthique : on nous laisse croire que ces techniques, parce qu’au- torisées, sont parfaitement sûres, que l’on va pouvoir tout traiter et vivre plus heureux. C’est faux, en génétique on ne sait presque rien. Il faudra encore des siècles pour que l’on commence à comprendre comment fonctionne un individu avec son génome. Et puis qu’est-ce qu’un enfant de « mauvaise qualité » ? Quels critères va-t-on retenir ? Visiblement toutes ces manipulations séduisent beaucoup et il y a comme un désir malsain d’en passer par là. Cette quête eugénique est aventureuse et appartient à l’idéologie transhumaniste qui veut « améliorer » l’humain comme on améliore une machine mais, puisqu’il s’agit du vivant complexe, c’est au risque irréversible de sa disparition. »

Extrait du livre de Jacques Testart Au péril de l’humain. Les promesses suicidaires des transhumanistes, co-écrit par A. Rousseaux, Editions Seuil, 2018

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