Créée en février 2016 par Matilde Armantier et Adèle Larvoire, A nous la nuit ! s’inspire des marches Reclaim the Night venues de Manchester. Apparues dans les années 1980, elles avaient vocation à protester contre des politiques publiques recommandant aux femmes de ne pas sortir la nuit à la suite de viols.
Mathilde a assisté à l’une de ces marches à Manchester, qu’elle décrit comme un « rassemblement hyper optimiste et festif, avec quasiment autant de femmes que d’hommes. Je me suis dit qu’on manquait de choses festives par rapport au féminisme en France, du moins à Paris. » Les deux jeunes femmes importent alors le concept en l’élargissant, car le problème de « virilisation et d’hégémonie masculine dans l’espace urbain ne touche pas que les femmes, c’est bien plus global. » Le mot d’ordre, éviter une dichotomie hommes versus femmes. Ces dernières n’étant pas les seules à se sentir illégitimes dans l’espace urbain, il s’agit pour l’association d’inclure la communauté LGBTQI+.
La nuit a « un effet loupe » et ne serait pas forcément plus dangereuse : selon l’Insee, 65% des agressions physiques ont lieu en journée. Seulement, les agressions et actes de harcèlement « sont beaucoup plus décomplexés ». Résultat, la violence de ces agressions contribue à rendre le sentiment d’insécurité plus important le soir que le jour. L’association s’attache à déconstruire ces représentations collectives et à faire émerger une prise de conscience globale, car si 54,3% des agressions sexuelles sont nocturnes, seules 3,7% ont lieu dans la rue selon victimedeviol.fr. Aujourd’hui, les actions d’A nous la nuit ! se multiplient : conférences, apéro-discussions, soirées, concerts, marches, toujours en cultivant l’esprit festif des débuts qui permet la création d’espaces de « répit », d’inclusion et de plaisir. « Sortir dans la rue et hurler c’est hyper jouissif ! T’as un make-up vif, t’as des pancartes et tu gueules que tu en as marre qu’on t’emmerde dans la rue, » explique Mathilde.
Pourtant, le chemin reste long. Lors des événements organisés il faut régulièrement faire face « à des mecs qui viennent que pour faire chier les meufs » ou pour « foutre la merde. » Malgré les précautions, la bienveillance et l’inclusivité, les « réactions puériles » persistent. Mais A nous la nuit ! ne se laisse pas démonter et continue de crier « on est là et on va pas se laisser faire ! »