Édito : la ville pour tous, un défi qui reste à relever

Depuis des siècles, l’accès à la ville diffère selon notre appartenance à deux catégories : homme ou femme. Aujourd’hui, la ville est encore faite par les hommes, pour les hommes. Au début du siècle dernier, peu s’intéressent à la question du genre. Encore moins aurait-on pensé construire une ville où la femme est l’égale de l’homme. Aujourd’hui pourtant, cette vision de la ville ne correspond plus aux attentes d’inclusion de tous. Emergent alors les questions de mixité des espaces publics : faut-il réserver un wagon de métro aux femmes pour prévenir les agressions ou légiférer le harcèlement de rue ?

Judith Shakespeare, l’héroïne d’une Chambre à soi « pouvait-elle même se mettre en quête d’un dîner dans une taverne ou errer dans les rues à minuit ? », questionnait Virginia Woolf en 1929. Depuis des siècles, l’accès à la ville diffère selon notre appartenance à deux catégories : homme ou femme. « Une femme ne sortait dans la rue qu’au bras d’un homme, explique une porte-parole de l’association #stopharcèlementderue. Aujourd’hui, la ville est encore faite par les hommes, pour les hommes ».

Au début du siècle dernier, peu s’intéressent à la question du genre. Encore moins aurait-on pensé construire une ville où la femme est l’égale de l’homme. Aujourd’hui pourtant, cette vision de la ville ne correspond plus aux attentes d’inclusion de tous. Ce n’est que dans les années quatre-vingt-dix que des chercheurs se penchent sur la question. En 1996, Jacqueline Coutras parle de « système urbain sexué » dont le manque de sécurité et d’anonymat réduit les déplacements des femmes, mais aussi des personnes transgenres. L’espace public catégorisé reste une tare, pour ces personnes que les étiquettes blessent parfois. La ville, lorsqu’on ne s’y sent pas inclus, devient alors un lieu anxiogène.

Près d’un siècle après les mots de V.Woolf, errer dans les rues à toute heure n’est pas toujours une évidence pour qui n’est pas un homme. « Les flâneurs ne sont pas des flâneuses » écrit Nicole Brais, doctorante féministe, à propos des recherches de J.Coutras. « Les femmes représentent plus de la majorité des utilisatrices des transports en commun [et] commencent à utiliser des tactiques d’évitement. Quant aux politiques publiques elles ne sont pas assez spécifiques, mais au contraire basées sur une norme », ajoute #stopharcèlementderue. Aménager l’espace urbain dans une logique d’inclusion des genres se développe donc tout juste en France, en collaboration avec des groupements d’urbanistes tels que Genre et Ville ou Les MonumentalEs en région parisienne, afin de minimiser les violences morales et physiques vécues par celles et ceux pour qui la ville n’a pas été pensée.

Emergent alors les questions de mixité des espaces publics : faut-il réserver un wagon de métro aux femmes pour prévenir les agressions ou légiférer le harcèlement de rue ? Quand certains prônent l’égalitarisme, d’autres le dénoncent au nom de la mixité sociale ou du droit d’importuner. Sylvia Plath rêvait de « pouvoir dormir en terrain ouvert, voyager à l’Ouest et marcher librement la nuit », ses espoirs demeurent déçus. A la quête de la ville inclusive, on pourrait se surprendre à chercher encore longtemps.

Margaux Ravard