« Inclusive et apaisée » : c’était l’ambition d’un plan de réaménagement urbain à Paris en 2015. Depuis, sept places emblématiques de la capitale ont été rénovées pour un budget total de 30 millions d’euros. « Dans le cahier des charges la prise en compte du genre était obligatoire », explique Christine Guillemaut, chargée de projets au Service Égalité Intégration Inclusion. Ainsi, place du Panthéon, un travail de mémoire a été entrepris par le groupement d’urbanistes militants Les MonumentalEs en mettant à l’honneur les noms de femmes célèbres et de victimes de féminicide, gravés sur les nouvelles installations. Place de la Nation, carrefour parisien symbolique, les marches exploratoires avec des habitantes du quartier ont permis de créer un espace « convivial, adapté à leurs besoins, végétalisé, avec des coins à la fois discrets mais visibles de tous pour plus de sécurité ». Un succès, donc ?
Pas vraiment. Même si les intentions sont là, et depuis longtemps. Dès 2002, l’arrivée de Bertrand Delanoë à la mairie de Paris marquait un tournant dans la lutte contre les discriminations sexistes en France à l’échelle de la ville. En 2014, son ancienne première adjointe à l’égalité des genres, Anne Hidalgo, lui succédait à la tête de l’administration et a fait de cet enjeu une des priorités de son mandat.
Mais derrière cet affichage volontariste , la sociologue Marylène Lieber pointe du doigt le décalage avec une réalité souvent décevante. Sans désavouer le mérite du travail entrepris, la sociologue souligne les « désillusions » d’acteurs de premier plan. Les urbanistes militantes de Genre et Ville, pourtant partenaires du projet, auraient été « écartées du processus décisionnel » et ont dû « batailler » pour faire entendre leur cause. Si Paris a bien un rôle d’impulsion en France, la taille de l’organisation publique – où se croisent plus de 53 000 agents – et la nature même de la ville « historique, avec des bâtiments intouchables à chaque coin de rue », limitent les ambitions progressistes affichées par la municipalité. « Dans des plus petites villes comme Gennevilliers on observe des actions plus concrètes et novatrices avec des ateliers participatifs comme les marches urbaines ou les cartes mentales », conclue Marylène Lieber.