« Les femmes ont envie de faire du vélo ». Katell, bénévole au sein d’Adava à Aix-en-Provence, en est convaincue. En charge de l’école de vélo pour adultes mise en place par l’association, elle enseigne presque exclusivement à des femmes. Adhérente de 67 ans, Malika a enfourché un deux-roues pour la première fois trois leçons plus tôt. Longtemps freinée par « le complexe et la honte », elle souhaite aujourd’hui pouvoir se déplacer en ville sans avoir à « s’adapter aux horaires de bus ou à la présence de places de stationnement ».
Beaucoup de jeunes femmes choisissent aussi ce mode de déplacement qu’elles utilisent, consciemment ou non, comme une stratégie d’évitement du harcèlement de rue. Marie, cycliste de 28 ans, affirme se sentir « moins en danger à vélo qu’à pied car ça va vite » : en filant à deux- roues, elle « n’a pas le temps d’être interpellée ».
Peut-on alors dire que la pratique du vélo se démasculinise ? Si les étudiantes et les séniores sont de plus en plus nombreuses sur les pistes cyclables, la tranche des 30-45 ans suivrait moins cette évolution, « conséquence de l’inégale répartition des tâches domestiques » selon Marie-Paule Grossetête, présidente d’Osez le féminisme ! 13.
Peut-on être femme, travailleuse et mère, tout en étant écolo ? Pas sûr. « Les femmes sont toujours majoritairement celles qui font les courses ou conduisent les enfants à l’école, explique Yves Raibaud, géographe du genre au CNRS et auteur de La ville faite par et pour les hommes. Les trois quarts du personnel d’accompagnement des personnes âgées ou handicapées sont des femmes. […] Si on supprime la voiture en ville, il n’est pas rare que cela allonge leurs journées d’une heure ».
Pourtant, les difficultés rencontrées par ces millions de femmes croulant sous les courses, les cartables et les obligations familiales, sont devenues inaudibles dans un monde où la limitation des émissions de particules fines prime sur tout le reste. Selon Yves Raibaud, cet « ordre de grandeur » met au second plan les besoins des femmes et les pousse à « culpabiliser » lorsqu’elles circulent en voiture.
Le vélo cargo peut faciliter leur quotidien, d’après le géographe, à condition de « gérer la ville autour », à savoir, adapter les pistes cyclables et les espaces de stationnement. C’est loin d’être le cas à Aix- en-Provence, classée « défavorable » aux cyclistes par le Baromètre des villes cyclables 2017. Cette année, la part modale du vélo de la Métropole d’Aix-Marseille dépasse tout juste 1%, contre 11% pour l’Eurométropole de Strasbourg, ville la mieux notée de France.