Deuxième confinement, deuxième vague de Covid causent bien de soucis aux employés du funéraire du pays aixois. Épuisés par les heures supplémentaires de la première vague, ils doivent faire face à la réorganisation de leur activité et aux restrictions sanitaires.
À Aix-en-Provence, dans les allées balayées par le mistral, l’automne semble avoir pris ses quartiers. Avec lui, la deuxième vague de Covid-19 et de confinement. Alors que les réanimations aixoises arrivent à saturation et que le nombre de décès s’accroît, les agents du funéraire tempèrent les effets de la crise sur leur corps de métier. Habitués à travailler loin des regards, ils ne cherchent pas la reconnaissance. Pourtant, face à l’accumulation des restrictions sanitaires, ils craignent pour le bon exercice de leur profession et vont devoir sortir de leur silence.
“Mon travail est un engagement”
Naviguant sous le radar médiatique, les professions du funéraire sont au cœur de la lutte contre la pandémie. Ces derniers mois, les mesures sanitaires dictées par les préfectures ont tantôt interdit l’accès à la mise en terre, tantôt imposé la restriction du nombre de personnes présentes lors des cérémonies, 10 en mars, 30 en novembre. Chamboulant le rapport au deuil et l’accompagnement des familles, les métiers du funéraire ont dû repenser leur organisation. Exit l’accueil du public, désormais, le gros des échanges se fait au téléphone, qui ne cesse de sonner dans l’officine du service funéraire de la Ville. Pas de quoi déstabiliser la profession affirme Frédéric Ribes, agent funéraire depuis plus de 20 ans. “Mon travail est un engagement, il y a une crise, je m’adapte. Mon métier, c’est d’accompagner les gens dans le deuil, qu’ils soient 10 ou 80”. Depuis son cabinet exigu surchauffé aux sièges molletonnés, il exprime son opposition à un quelconque besoin de mise en valeur de la profession. “Si j’avais voulu de la reconnaissance, j’aurais changé de métier. On n’est pas là pour être sous le feu des projecteurs, on a toujours travaillé dans l’ombre, la crise n’a rien changé pour nous”. Florent Wolkowitsch, chef de bureau au sein du service funéraire de la Ville d’Aix, partage ce ressenti. “Si ce n’est sur le plan organisationnel, le fond de notre métier n’a pas été bousculé” indique l’agent municipal.
“Retrouver des conditions de travail dignes”
Si peu d’agents funéraires semblent avoir été impactés par la crise, beaucoup s’indignent de leurs conditions de travail. Rémunérés en moyenne 1500 euros par mois, ils ont vu leurs revenus stagner, voire diminuer et leur capacité d’accueil réduite au strict minimum, sans pour autant réduire la cadence. “Une honte” pour Caroline, responsable d’une agence de pompes funèbres à deux pas de l’Hôtel-de-Ville aixois. Ouvertement anti-masque et “anti-covid”, elle s’est sentie “abandonnée” par les pouvoirs publics. Bruno et Nicolas, fossoyeurs employés à Aix-en-Provence lors d’une messe funéraire confient sur le parvis de la cathédrale Saint-Sauveur avoir eux aussi souffert de la situation. Le port, depuis le mois de mars du masque, de blouses et sur-blouses dans leur entreprise entrave selon eux la pratique de leur profession et mettent encore davantage à distance les familles des défunts, qu’il a été difficile d’accompagner dans cette période. Si Caroline n’attend pas que lumière soit faite sur son métier, elle espère pouvoir retrouver des “conditions de travail dignes ».
“En mars on a été trois fois plus occupés que d’habitude”
Des ressentis ambivalents au sein de ce corps de métier, à mettre en perspective avec l’impact de la crise selon les régions. Dans le grand Est, fortement touché par la pandémie lors de la première vague, Roseline est “épuisée”. Employée dans une agence à Saint-Louis, non loin de Bâle, elle ne compte plus ses heures. “En mars, on a été trois fois plus occupés que d’habitude. On a fait des journées à de 6h à 22h non stop, du jamais vu” se souvient-elle. Face à l’afflux de demandes, son mari, responsable de l’agence, a dû embaucher deux personnes supplémentaires, l’obligeant à geler leurs propres salaires. “On travaille avec le cœur, mais aujourd’hui le cœur est lourd” résume Roseline. L’absence d’aide de l’État et la perspective d’une crise à rallonge inquiètent ces agents du Nord sur l’avenir de leur profession. La crainte d’une profession sans contacts, sans empathie et sans réconfort aux familles. Une semaine après le début du reconfinement, un rapport de la Fédération des Établissements Hospitaliers et d’Aide à la Personne (FEHAP) annonce un impact des décès sur les places disponibles dans les morgues hospitalières. Les préfets prévoient d’étendre les horaires des pompes funèbres dans la région Provence-Alpes (13) et dans le Vaucluse (84).