Le Bore-Out, insidieux, méconnu et dangereux

par Antoine Casalta

Le 22 juin dernier, la cour d’appel de Paris a rendu un arrêt qui pourrait changer la vie de nombreux travailleurs : elle a reconnu le bore-out, ou syndrome d’épuisement par l’ennui, comme une forme de harcèlement moral au travail.

Le 22 juin dernier, la cour d’appel de Paris a rendu un arrêt qui pourrait changer la vie de nombreux travailleurs : elle a reconnu le bore-out, ou syndrome d’épuisement par l’ennui, comme une forme de harcèlement moral au travail. Le procès opposait Frédéric Desnard à son ancienne société Interparfums. Licencié pour un arrêt maladie jugé trop long par son employeur, le salarié accusait son entreprise d’avoir provoqué cet arrêt en le sous-alimentant en travail. Après un premier jugement au prud’hommes en 2018 lui donnant raison, le jugement a été confirmé par la cour d’appel.  Le 22 juin dernier, la cour d’appel de Paris a rendu un arrêt qui pourrait changer la vie de nombreux travailleurs : elle a reconnu le bore-out, ou syndrome d’épuisement par l’ennui, comme une forme de harcèlement moral au travail. Le procès opposait Frédéric Desnard à son ancienne société Interparfums. Licencié pour un arrêt maladie jugé trop long par son employeur, le salarié accusait son entreprise d’avoir provoqué cet arrêt en le sous-alimentant en travail. Après un premier jugement au prud’hommes en 2018 lui donnant raison, le jugement a été confirmé par la cour d’appel. 

“C’est une véritable situation de harcèlement au travail”

Pour Pierre Boutonnet, inspecteur du travail, le bore out est bel et bien une forme de harcèlement. Il a pu en observer plusieurs exemples dans sa carrière, tous relevant d’une intention de nuire. “Ce phénomène apparaît le plus souvent dans des groupes importants, lors de restructurations. Retirer toute tâche à un employé est un moyen de le rendre illégitime, de lui faire perdre sa confiance en lui et, à terme, de le pousser à la démission”, confie-t-il. Il ajoute que “l’entreprise peut se servir de ce levier pour s’épargner de verser certaines indemnités dans le cadre d’un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) par exemple”.

Certains témoignages qu’il a pu recueillir sont frappants. “J’en arrivais à jouer au Démineur sur mon poste de travail, en évidence, pour montrer qu’on ne me donnait pas de dossiers ou de missions” lui a par exemple confié un salarié lors de l’inspection des bureaux d’un grand groupe. Le bore-out est un syndrome insidieux. Il est difficile pour un employé de signaler à sa direction, à plusieurs reprises qui plus est, une sous charge de travail. Des entreprises vont parfois au-delà d’une simple “mise au placard”. Une multinationale britannique a notamment isolé un bureau d’une vingtaine de personnes appartenant à l’une de ses filiales. Coupée du reste des employés, l’équipe s’est alors retrouvée sans aucune mission ni personne à qui faire remonter les quelques travaux qu’elle arrivait encore à produire. 

… Aux conséquences graves

Si qualifier de harcèlement l’ennui au travail peut prêter à sourire, ses conséquences sont aussi réelles que néfastes. Le docteur Fond, psychologue du travail témoigne : “le bore-out se manifeste par des signes très larges, allant de la prise de poids, un sommeil perturbé, de l’eczéma, une aménorrhée chez les femmes, à des douleurs inhabituelles” ou encore génère “de l’anxiété, parfois de la culpabilité, de la tristesse, de la honte” Frédéric Desnard est, lui,  devenu épileptique. Le bore-out peut entraîner de nombreuses pathologies aussi bien physiques que psychologiques. N’en déplaise à Stevenson et son Apologie des oisifs, il semble bien que l’activité puisse être mère de tous les maux.

Antoine Casalta

Wannabe journaliste, j’ai quitté mon île pour écrire et dire des trucs dans un micro. Twitter