Catherine fait partie des oubliés de la crise du coronavirus. Âgée de 58 ans, cette agent de la grande distribution est l’une des petites mains employées qui nourrissent la France au quotidien.
“Chaque jour est un marathon”
Voilà 38 ans que cette mère de famille a rejoint les équipes de l’Intermarché de Gerzat (Puy-de-Dôme) par “nécessité”. Coupe courte couleur acier, lunettes sur le front et regard bien affûté, Catherine, assise à la table de sa cuisine, a du recul sur sa carrière. Elle “en a vu passer, des patrons” : le dernier arrivé en juin est le huitième. Avec les réorganisations d’équipes, les changements de propriétaires, elle a occupé différents postes. Après “la caisse puis les gondoles, la vente de fromage, la charcuterie, le poisson et les yaourts”, elle gère depuis 2 ans la boulangerie et le surgelé. Excepté le dimanche, l’employée se lève tous les matins à 4h30 pour prendre son poste à 6h, et termine à 12h. Chaque jour est un marathon, où elle n’a pas “10 minutes à perdre”. Vêtue de sa blouse blanche, de sa charlotte et de ses sur-chaussures, elle enchaîne d’abord les fournées. Elle emballe ensuite les produits puis nettoie son laboratoire. Sur les coups de 10h30, “si tout va bien”, elle passe au remplissage des rayons surgelés. Le mercredi et le samedi, elle gère aussi les commandes. Énergique et appliquée dans son travail, Catherine aime avant tout la relation-client.
Mal rémunérée et sans reconnaissance
Pourtant au quotidien, l’employée si investie n’en “peut plus” des mille et une tâches auxquelles elle doit s’atteler. “Les matins je passe souvent 1h dans le frigo à – 24°C. À cause de ça je chope des courbatures, des bronchites et la gastro” commente-t-elle. La période de confinement l’a mise à rude épreuve : “ça m’a stressée et fatiguée. Il a fallu être stricte avec les clients. Et puis c’était un sacré rythme : tu mettais un truc en rayon et en 10 minutes ça disparaissait”. Ce qui l’a “blessée”, c’est le manque de reconnaissance pour le travail fourni. “Je n’ai rien eu sauf un panier garni avec un gros macaron, une composition de plantes à 5 euros et du chocolat périmé. J’ai refusé : c’était du foutage de gueule” s’indigne-t-elle. Dans les intermarchés alentour, les employés ont eux touché jusqu’à 800 euros de prime et 100 euros de plus par mois. Elle, avec ses 38 ans d’ancienneté, stagne à 1300 euros net par mois. Pas de tickets restaurant, ni de Comité d’Entreprise, seulement 5% à la caisse et un treizième mois. Oubliée des discours du Président Macron, elle fustige “ceux qui ont décrété qu’on n’a pas à être augmentés alors qu’on n’a fait que notre boulot, mais ne reprochent rien aux soignants qui ont été augmentés, alors que, après tout, eux aussi n’ont fait que leur boulot’”. Même si elle s’investit, Catherine se dit impatiente d’en finir : il lui reste 2 ans avant la retraite. À court-terme, le couvre-feu et la folie des fêtes l’inquiètent. En attendant plus de temps libre, récompense d’une vie d’efforts, “il lui faut” tenir le cap.