Entre faibles rémunérations et lourdes responsabilités, le quotidien compliqué du maire de Beaurecueil  

Être maire de petites communes n’est pas de tout repos. Vincent Desvignes, maire de Beaurecueil (Bouches du Rhône) relate les difficultés d’exercer un mandat à mi-temps et soulève des interrogations face aux faibles revenus perçus.

Mairie et école de Beaurecueil. Crédit photo : Marine Issartel

Un quotidien peu reposant mais passionnant

« Est-ce que je peux assumer une baisse de revenus importante ? Pour l’instant vu mon train de vie, c’est difficile » raconte Vincent Desvignes, maire de Beaurecueil, quand il évoque la possibilité d’arrêter son emploi de professeur pour se consacrer entièrement à son rôle de maire et aux lourdes responsabilités que cela implique. 

A la veille de la Toussaint, le soleil brille dans le village de Beaurecueil. Le maire, cheveux bouclés grisonnants, jean et polo saumon, travaille à la mairie. Il reçoit systématiquement ses « administrés » dans son bureau. Il connaît très bien son village, puisqu’il y a grandi et qu’il a été pendant quatre mandats, conseiller municipal, « mais je n’étais pas plus investi que ça » avoue-t-il. Il décrit la commune comme « un village dortoir huppé ». « Huppé », car la taxe foncière y est très élevée. « Un village dortoir » s’explique par la présence d’un Ehpad qui accueille une centaine de résidents dans l’ancien château, ce qui augmente la moyenne d’âge de la ville. 

S’ajoute à son rôle de maire, sa profession première, professeur d’arts plastiques au collège-lycée du Sacré-cœur à Aix-en-Provence. Sa semaine type « est organisée autour de mon travail de prof ». Il a dix-huit heures de cours à donner. Le lundi après-midi à partir de quatorze heures, il est à la mairie. Le mardi tout comme le jeudi, il a une journée complète en tant qu’enseignant. Le mercredi après-midi, « évidemment, je suis à la mairie ». Il y passe aussi toute la journée du vendredi. 

Cet emploi du temps chargé n’est pas un frein à la passion qu’il voue à la mairie. Il décrit son rapport aux habitants comme étant « un lien presque de familial. C’est un mandat passionnant, on a envie de faire de belles choses pour le village. » Ces belles choses sont rendues possibles grâce aux personnes qui l’entourent. 

Des fonctions allégées par un entourage professionnel et personnel solide

« J’ai accepté de prendre le mandat de maire parce que mes enfants étaient grands » révèle-t-il quand on lui demande pourquoi avoir accepté de se présenter à cette fonction. L’autonomie de ses enfants lui permet également de garder son autre emploi. Il est même professeur principal d’une classe de Terminale au côté d’une collègue. Il explique qu’elle se charge de toute la partie administrative, et lui de l’accompagnement des élèves. L’enseignement des arts plastiques lui offre ainsi « une soupape, un sas qui lui permet de se changer les idées ». 

Outre ses collègues au Sacré-Cœur, son travail à la mairie est facilité par celui des secrétaires et des adjointes. « Elles font du bon boulot aussi, et j’ai complètement confiance en elles », cela lui permet de rester à jour dans les dossiers. Le maître-mot pour lui : la délégation. 

Contrebalancer les faibles indemnités

Monsieur Desvignes reconnaît la chance qu’il a d’être aussi bien entouré, cela lui permet d’avoir une charge de travail amoindrie. Celle-ci s’accompagne d’une indemnité de 1300 € brut par mois, à laquelle s’ajoute celle d’élu métropolitain, de 800€ brut. Mais elles ne suffisent pas à vivre à Beaurecueil. « Est-ce que ces deux indemnités suffiraient à me faire vivre confortablement. Ce serait un peu tendu, c’est aussi pour ça que je garde le rôle de prof ». Sa situation n’est pas unique, puisque deux-tiers des élus français ont un emploi non politique en parallèle de leur mandat, ont établi Didier Demaizière et Rémy Le Saout, dans une étude sortie en 2021. 

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N’ayant peu, voire pas, de représentations publiques, il n’a ni frais de représentations ni notes de frais. Quant à son indemnité, elle est faible par rapport aux responsabilités qu’il a, estime-t-il. Il considère qu’elle est pourtant « importante et c’est une reconnaissance de sa tâche et de ses responsabilités. »

Des responsabilités plus lourdes que les indemnités des maires des petites communes 

« Vous vous couchez la nuit, vous êtes encore responsables » confie-t-il, ce n’est pas forcément l’indemnité qui pose problème mais la non-reconnaissance de leurs responsabilités en tant que maires de petites communes. L’indemnisation a été mise en place par la loi du 3 février 1992, qui instaure un statut d’élu local, permettant de généraliser les indemnités. Patrick Lehingue et Sébastien Vignon explorent dans leur ouvrage de 2021, la loi relative à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique de 2019. Celle-ci, proposée par le Sénat, a réévalué les indemnités perçues par les maires des communes de moins de 3 500 habitants, allant de 50 % pour les moins peuplées jusqu’à 20 % pour les plus peuplées. Le but étant de revaloriser leur travail aux vues de leurs responsabilités. 

Dans cette même lignée, la ministre des Collectivités, Dominique Faure, a exprimé en août dernier, sa volonté de relever l’indemnité des maires de communes de 3 500 à 100 000 habitants. Cependant, cela paraît compliqué à mettre en place pour Monsieur Desvignes, car « c’est la commune qui paye le maire ». Il ajoute « quand on augmente un salaire, c’est bien pour le ministre de prendre la décision, c’est difficile pour les communes d’assumer le coût ». 

Marine Issartel