La triche en politique : trois questions à la psychiatre Alexia Ramard

Selon le Baromètre de la confiance politique 2023, 69% des Français considèrent que les politiques ne sont pas honnêtes. Cela est en partie attribuable à plusieurs affaires révélant les dépenses irrégulières d’argent public de certains élus. Notre rédaction est allée à la rencontre de la docteure Alexia Ramard, Psychiatre à Marseille, afin de mieux appréhender les mécanismes psychologiques qui poussent quelques élus à dépasser le cadre de la loi.

Pourquoi certains trichent ? 

« Pourquoi on triche ? Pour gagner quelque chose. Pourquoi on s’empêche de le faire ? Par peur de se faire prendre et de devenir quelqu’un de « pas bien ». On garde un minimum d’éthique pour s’accorder soi-même de la valeur. Parfois, on se dit que « ne tricher qu’un peu ce n’est pas grave », et on se donne bonne conscience. Le cas particulier des hommes politiques ? Ils ont la possibilité de le faire. C’est lié à leur place. C’est à leur portée. Si on pouvait dépasser les règles sans se faire prendre, on le ferait probablement tous. »

Les hommes et femmes politiques sont-ils plus amenés à tricher ? 

« Lorsqu’on côtoie des personnes pour qui une pratique est la norme, un phénomène d’entraînement apparaît. Cette pratique devient tolérée, validée par le groupe, voire promue dans ce milieu-là. Le phénomène d’entraînement est très puissant : il peut même aller jusqu’à des moqueries subies par la personne dissidente. 

 L’aspiration à la toute-puissance est une pulsion enfantine qu’on abandonne généralement à l’âge adulte. Mais, quand la vie nous propose d’avoir cette sensation facilement, on peut être tenté d’en saisir l’opportunité. Et lorsque l’on mélange cause altruiste et cause personnelle, on se donne bonne conscience : « Je travaille dur pour la communauté, alors je mérite un juste retour des choses. » C’est un sentiment présent dans tous les milieux qui ont un levier d’action. »

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Qui triche le plus en politique ? 

« Le fait de succomber aux bénéfices offerts par le pouvoir n’est pas une question d’âge mais d’expérience. La personne va se heurter au système et progressivement s’y conformer.

Les femmes et les hommes n’ont pas forcément les mêmes aspirations, mais ils utilisent les mêmes procédés. En revanche, le regard que porte la société sur les femmes fait qu’elles sont considérées comme « moins dangereuses ». »

Propos recueillis par Anna V.