En 2022, selon le classement annuel établi par The Economist qui compare les démocraties selon des critères comme le pluralisme, la Suède se hisse à la quatrième place au niveau mondial. La Norvège se classe première suivie de la Finlande et du Danemark qui ferme le podium.
La culture de la règle
« En Suède, au niveau d’un passage piéton, lorsque le feu est rouge, les gens s’arrêtent même s’il n’y a pas de voiture à l’horizon » nous confie Laurent Savaete, co-fondateur de Ma Dada, plate-forme visant à faciliter l’accès aux documents des autorités, et d’origine suédoise avant d’ajouter : « la règle c’est la règle ». L’austérité protestante germanique, selon lui, a infusé les pays nordiques au fil des siècles qui ont hérité de cette culture. La vie publique n’y échappe pas et l’accès aux documents, dont les notes de frais, y est soumis. Selon Helen Darbishire, activiste des droits de l’Homme spécialisée dans le droit d’accès à l’information « la culture permet la loi ». Concrètement, toujours selon cette activiste « quand un Suédois fait une demande auprès d’un politique, cette demande devient la priorité de ce dernier car le citoyen est dans son bon droit ». Dès lors, il est possible de connaître le revenu, les dépenses de l’ensemble des responsables. Des dépenses qu’ils règlent avec leur salaire mensuel, de quoi certainement limiter les abus.
Pionnière en matière de transparence
Très tôt, en 1766, la Suède se dote d’une loi, inscrite dans sa Constitution, permettant à chacun de ses citoyens de prendre connaissance des actes des pouvoirs publics, et de les passer au crible. Cette précocité en matière de publicité et un arsenal législatif innovant lui permettent de devenir pionnière partout en Europe. L’Ombudsman, ce fonctionnaire généralement nommé par le gouvernement ou le parlement qui doit enquêter sur des plaintes de citoyens et les résoudre, apparaît dès 1809 dans le pays avant d’être adopté par d’autres pays ou des organisations internationales telles que l’Union Européenne. La Suède a également été un élément-clé dans la signature de la Convention de Tromsø en 2009, « premier instrument juridique international contraignant à reconnaître à toute personne le droit d’accès aux documents officiels détenus par les autorités publiques » selon le Conseil de l’Europe, ce dernier n’aurait pas vu le jour sans son rôle proactif.
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Une transparence à deux vitesses ?
La vie publique suédoise n’échappe pourtant pas aux controverses. En 1994, Mona Sahlin, vice-ministre d’État, a défrayé la chronique après la parution par le journal Expressen de ses notes de frais. Y figuraient alors plus de 1000€ d’achats, avec sa carte bancaire professionnelle, dont des barres chocolatées Toblerone qui ont donné le nom à l’affaire. Véritable jurisprudence en la matière, elle avait dû démissionner de son poste de ministre. Les politiques suédois ont appris de cette affaire Toblerone et peu de scandales ont en réalité éclaté depuis. Pour autant, la publicité, l’accès aux notes de frais des élus suédois ne semble pas si simple que cela. Pour Mattias Axell, cofondateur du site web associatif Handlingar qui aide les usagers dans leurs demandes « les dépenses des élus suédois peuvent être masquées et elles se réfèrent aux politiques du RGPD. Ceux qui obtiennent ces informations sont les grands organes de presse qui peuvent payer pour ces dernières et qui pratiquent cette recherche depuis plusieurs décennies ». Une tendance qu’observe également Helen Darbishire : « bien que la Suède soit un modèle, le problème dans ce pays c’est la loi. Elle n’est plus forcément adaptée à l’ère du temps car elle est vieille désormais ». Un problème donc, auquel le pays devra répondre dans les prochaines années s’il ne veut pas perdre son exemplarité en matière de transparence.
Théo Dausce