En juillet 2019, en plein mouvement des Gilets Jaunes, un scandale éclate autour de François de Rugy : le Ministre de la transition écologique est accusé par Médiapart d’avoir utilisé les fonds publics pour des dépenses personnelles :unedizaine de dîners entre amis auraient été organisés entre octobre 2017 et juin 2018, période au cours de laquelle de Rugy présidait l’Assemblée Nationale. Au menu: homards géants, champagne et bouteilles de vin estimées jusqu’à 550€. François de Rugy aurait également profité de l’argent public pour faire rénover sa résidence ou s’offrir un repas de Saint-Valentin avec son épouse.
Le ministre sera encore épinglé par le Parisien peu de temps après pour l’achat d’un sèche-cheveux doré à près de 500€ et l’emploi d’un chauffeur, en plus des deux réglementaires par ministre…Après ces nombreuses révélations embarrassantes, et bien qu’il se soit engagé à rembourser « chaque euro dépensé », de Rugy finit par démissionner le 16 juillet 2019, juste avant la publication d’une nouvelle enquête de Médiapart sur le paiement de ses cotisations à Europe Écologie Les Verts, avec son IRFM. Mais aucune sanction judiciaire ne lui est imposée. Normal : ces dépenses sont légales. Malgré l’indignation bien légitime devant des dépenses somptuaires, la réglementation reste très floue à ce sujet.
En France, les indemnités des élus sont soumises à des règles de transparence et de publicité. Les citoyens peuvent faire la demande de n’importe quelles notes de frais à n’importe quels élus depuis une décision rendue par le Conseil d’Etat dans un arrêt du 8 février 2023. Mais ce principe de transparence des dépenses publiques est bien plus vieux puisqu’on le retrouve inscrit dans la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen à l’article 15 : « La Société a le droit de demander compte à tout Agent public de son administration. ». Il existe bien sûr des exceptions à ce principe mais elles restent marginales. S’ils souhaitent garder leurs notes de frais secrètes, les élus doivent démontrer à la Commission d’accès aux documents administratifs (CADA) que la communication de ces informations pourrait porter atteinte à la protection de la vie privée, au secret médical et au secret des affaires. Autant dire qu’il est rare que la CADA donne raison aux élus cachotiers.
Malgré des efforts pour renforcer la réglementation du financement de la vie politique, il subsiste des zones d’ombres. Les plus importantes concernent la gestion financière du Parlement français. Avec son budget autonome, le Parlement a le pouvoir de s’auto-réguler et jusqu’à présent, au nom de son indépendance, il a toujours refusé tout contrôle externe, y compris celui de la Cour des comptes.
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Dans ce numéro de Chicane, les rédacteurs vont tenter de démêler le vrai du faux sur ces questions de transparence et d’inégalité autour du train de vie des élus. Mais il ne faut pas tout mélanger. Nous ne traiterons pas ici de fraudes fiscales comme celles de Jérôme Cahuzac ou Patrick Balkany mais bien d’abus de fonction qu’aucune norme légale ne limite. Il s’agit de débattre de ces pratiques « moralement douteuses », de questions de principes déontologiques et non de violation de normes sanctionnables judiciairement.
Lili Auriat