« Science sans conscience n’est que ruine de l’âme » : dans les calanques, la bataille ne se fait pas sur le terrain comme à Notre-Dame-des-Landes, mais dans le champ scientifique. Certains opposants aux arrêtés préfectoraux autorisant

l’industriel à poursuivre ses rejets sous forme liquide siègent au Comité de suivi de site (CSS) de l’usine Alteo de Gardanne et de sa décharge industrielle de Mange-Garri à Bouc-Bel-Air, un organe de concertation parfois utilisé dans les conflits environnementaux. Ils y ont pointé du doigt des failles dans le protocole de plusieurs analyses avancées par l’entreprise ou les pouvoirs publics, parfois même accusées de « bidouillages ». Et demandent donc à des laboratoires, tels que le CRIIRAD pour la radioactivité, d’étoffer leurs recherches.

Mais la légitimité des opposants est aussi mise en cause : le député ex-EELV Francois-Michel Lambert, qui souhaite préserver Alteo-Gardanne en lui laissant le temps de s’ajuster aux normes requises, critique la vétusté de leur matériel, dont celui d’Henry Augier, professeur de biologie marine à l’université d’Aix-Marseille. Engagé pour la préservation des calanques, il est le président de la fédération Union Collectif Littoral qui siège au CSS. Malgré tout, une zone d’ombre, et pas des moindres, demeure : « Il est urgent de faire des recherches sur les risques sanitaires des boues rouges, il y a un vrai vide. Ça commence, une étude sur la génotoxicité des particules est en cours de publication », assène pour sa part une chercheuse de l’Observatoire Hommes-Milieux du Littoral Méditerranéen, qui souhaite garder son anonymat.

Les études scientifiques sont en effet nécessaires à la constitution d’un dossier assez solide pour gagner les procédures juridiques, le requérant ayant la charge de la preuve. Malgré tout, c’est le moyen que les militants estiment le plus efficace pour faire entendre leur voix. Selon eux, la pres- sion exercée par les pétitions, avec plus de 350 000 signatures pour la principale, n’aboutit pas plus que celle des manifestations régulières. Mais ces événements plus médiatiques permettent de lever des fonds, afin de financer ces recherches scientifiques et les batailles judiciaires. Pour le moment, les procédures en urgence devant le juge administratif ont été déboutées, mais plusieurs recours se poursuivent contre l’arrêté préfectoral. La lutte débutée en 1963 se poursuit ainsi, inlassablement.

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Thomas Desset