« Forza Corsica »
Au début des années 1970, la société italienne Montedison fit un choix controversé : se débarrasser de déchets chimiques en les déversant au large du Cap Corse. Tous les jours, un pétrolier rejetait jusqu’à 1500 tonnes de produits chimiques tel que l’acide sulfurique. C’est avec la découverte de nombreux cadavres de poissons par des pêcheurs que l’histoire s’emballe.
En avril 1972, le Provençal-Corse dénonce ces rejets, suscitant alors une indignation forte de la part des écologistes, des pêcheurs et surtout des nationalistes qui intègrent à leur lutte l’importance de la préservation du patrimoine corse. Cet enjeu environnemental est rapidement récupéré par les experts du monde maritime tels que le Commandant Cousteau ou le docteur Bombard, qui avait justement dénoncé l’affaire des boues rouges dans les Calanques dès 1966. En septembre, les nationalistes « plastiquent » un bateau-poubelle de la société italienne. Sous l’impulsion de Robert Poujade, chargé du tout nouveau ministère pour la Protection de la nature et de l’Environnement, un réseau national d’observation, ayant pour tâche de connaître l’état chimique du milieu marin, est créé. Coordonné par l’Ifremer, il gagnera en efficacité au fil des années. Ce n’est pourtant qu’en 2016 que le Parc Naturel Marin du Cap Corse et de l’Agriate voit le jour, sanctuarisant le site à haute valeur environnementale.
À l’issue du procès de Livourne de 1974, la compagnie Montedison est condamnée, une première dans le domaine environnemental. Cette jurisprudence sera évoquée lors du procès de 2002 du Prestige et de sa marée noire. Les pêcheurs corses seront ensuite indemnisés pour leurs pertes et la société sera accusée d’atteinte à l’image de la marque de l’île, aussi appelé préjudice moral. Pourtant, il faudra attendre 2008 pour que la loi autorise les collectivités territoriales à demander réparation suite à une atteinte à l’environnement.
Plus de trente ans après le combat remporté par les défenseurs de l’environnement en Corse, beaucoup se souviennent de cette affaire comme le symbole d’une nécessaire protection de la Méditerranée. Pourtant, comment un scandale similaire dans le Parc national des Calanques a-t-il pu avoir un impact aussi faible sur le déversement de boues rouges qui touche depuis de nombreuses années le littoral marseillais? Les mémoires paraissent bien courtes….