Derrière l’algorithme, des professeurs qui classent les candidatures

Les élèves de terminale avaient cette année jusqu’à début avril pour faire leurs choix d’études supérieures via la plateforme numérique Parcoursup. Au sein des établissements d’enseignement supérieur, des commissions d’examen classent ensuite les dossiers reçus afin d’établir les listes d’admission et d’attente.

À Paris 8, à Saint-Denis (Île-de-France), ils étaient 2 500 à vouloir rejoindre la licence de science politique en 2021, un nombre de candidatures deux fois plus élevé qu’en 2020. Pourtant, l’université n’a pas plus de places à proposer : elle en compte toujours 125. Ainsi, les étudiants ont trois fois moins de chances d’être acceptés qu’auparavant. Face à cette hausse des candidatures se pose la question de la sélection des futurs étudiants.

Mathieu Hauchecorne, la quarantaine, est maître de conférences en science politique. Il est aussi l’un des sept membres de la commission d’admission de la licence de science politique de Paris 8. « Le nombre de dossiers est trop important pour que l’on puisse tous les étudier qualitativement », explique-t-il. Depuis 2018, son université fait alors appel à ce que l’on nomme l’outil de pré-classement de Parcoursup.

Certains s’appuient sur des fonctionnalités optionnelles de Parcoursup

Mis gratuitement à la disposition des établissements, ce dispositif permet d’attribuer une note à chaque dossier en fonction de critères sélectionnés par l’université. Les membres de la commission d’admission participent ainsi au paramétrage de cet outil. À Paris 8, le français, la philosophie et les langues vivantes se sont vus attribuer un coefficient plus important. Avoir choisi les spécialités sciences économiques et sociales (SES) ou histoire, géographie, géopolitique et sciences politiques est également valorisé. L’avis du conseil de classe, à l’issue de la terminale, est aussi pris en compte. Cependant, comme le précise Mathieu Hauchecorne, cet outil de pré-classement est imparfait et dans certains cas, un réexamen des dossiers est nécessaire. « Cela se produit par exemple pour les étudiants à qui il manque des notes à la suite d’une maladie ou encore pour ceux qui ont obtenu leur baccalauréat à l’étranger », souligne-t-il. Dans ces situations, les membres de la commission se penchent alors sur la lettre de motivation des candidats.

D’autres préfèrent classer à la main les candidatures déposées

Mais cet outil de Parcoursup ne fait pas l’unanimité dans toutes les universités françaises. La licence de science politique de la Sorbonne, à Paris 1, a elle décidé de s’en passer. C’est pourtant une formation très demandée, avec plus de 7 000 candidatures sur Parcoursup en 2021 pour environ 70 places. La commission en charge des admissions s’efforce de classer les dossiers des élèves de la manière « la plus juste possible ». 

Thibaud Boncourt, maître de conférences en sciences politiques, s’est porté volontaire dès l’instauration de la commission d’examen en 2018. Ce chercheur d’une quarantaine d’années préside l’assemblée de six à huit membres de l’université. « Je préfère savoir ce que je fais plutôt que de me fier à la boîte noire qu’est Parcoursup », explique Thibaud Boncourt, qui trie lui-même les notes des candidats. Comme à Paris 8, les professeurs prennent en compte les notes considérées comme « importantes » pour cette licence. Mais ici, pas de discriminations en fonction des choix de spécialités : « Un élève qui a pris physique-chimie nous intéresse autant que celui qui a déjà fait de la science politique au lycée », assure le chercheur. « Nous voulons diversifier nos promotions. ». Il s’agit donc de s’assurer que la motivation des candidats est réelle, pour éviter les abandons en cours de route. Pour cela, les lettres de motivation des candidats présélectionnés sont examinées.

La commission s’efforce ainsi de donner leur chance à tous les candidats, qu’ils soient boursiers ou non, et peu importe leur territoire. Pourtant, Thibaud Boncourt reste « frustré » de ne devoir sélectionner que 70 élèves. « On a des ratios délirants, s’exclame-t-il ». « Le vrai problème est là : le manque de places ». Et de regretter : « une fois qu’on a publié le classement, c’est difficile d’expliquer à un lycéen pourquoi il n’est pas pris ». D’autant plus que, d’après Thibaud Boncourt, les notes moyennes des candidats sont de plus en plus élevées depuis 2018. Les bonnes notes sont donc nécessaires pour avoir une place à la Sorbonne, mais elles ne suffisent plus.