Reprenons les bases : qu’est-ce qu’un algorithme ? Justine Banuls, membre de Datactivist, société qui se donne pour mission de rendre les données accessibles et utiles, explique : « Un algorithme est une suite d’étapes qui vise à résoudre un problème. Il traite des données en entrée et aboutit à un résultat ». Les étapes sont non ambiguës et ne nécessitent pas de réflexion (« Oui/ non » par exemple), ce qui rend l’algorithme particulièrement adapté à l’automatisation des décisions. On traduit alors l’algorithme en code source, écrit dans un langage informatique, afin d’être par une machine.
Le système APB, “Admission Post-Bac », a fonctionné entre 2009 et 2017. Il reposait sur l’algorithme de David Gale et Lloyd Shapley (mathématiciens et économistes américains), qui utilisent la métaphore du « mariage stable ». Le processus vise à trouver le « meilleur mariage possible » entre deux agents jugés honnêtes et transparents en fonction des préférences de ces mêmes agents sur leurs différents partenaires possibles. APB se sert de ce : les élèves établissent un classement de formations par ordre de préférence. Ces choix sont utilisés pour calculer automatiquement une solution stable en fonction des critères communiqués par les formations. Cependant, APB utilisait le tirage au sort et avantageait les universités sélectionnant les élèves en fonction de leurs préférences d’université : l’équité et la transparence de l’algorithme passaient ainsi à la trappe.
Face aux critiques sur la transparence d’APB, la loi pour une République numérique du 7 octobre 2016 indique que « toute décision individuelle prise sur le fondement d’un traitement algorithmique » doit comporter une « mention explicite » pour en informer la personne concernée. L’administration doit donc être en mesure de communiquer les règles de ce traitement et ses principales caractéristiques. S’ajoute également une obligation de publication en ligne des principaux traitements algorithmiques qui soutiennent les décisions administratives individuelles. La tâche est complexe, cependant, et peu d’administrations jouent le jeu.
APB est mort… et que vive Parcoursup ?
Parcoursup, mis en place en 2018, utilise également l’algorithme de Gale-Shapley, mais intègre de nouveaux paramètres. « Il existe d’abord une première phase de transmission des candidatures au niveau national en fonction des vœux des élèves. Une fois les candidatures transmises aux établissements d’enseignement supérieur, des commissions d’examens analysent les dossiers des candidats. Pour cela, elles mettent en œuvre des algorithmes qualifiés de “locaux”, parfois à l’aide d’outils informatiques mis à disposition par le ministère de l’enseignement supérieur, au sein desquels chaque formation renseigne des critères de sélection spécifiques », explique Justine Banuls. L’algorithme national fonctionne ensuite par phases successives, jusqu’à parvenir en théorie à une solution de mariage stable dans la logique de Gale-Shapley, où les étudiants trouvent la meilleure formation possible.
Si les commissions examinent désormais toutes les candidatures sans avoir accès à l’ordre des vœux des candidats (contrairement au fonctionnement d’APB) les candidats, appuyés par le Défenseur des droits, réclament plus de visibilité sur les critères et modalités d’examen des commissions. Face à une longue procédure, certains élèves acceptent, sous le coup du stress, une formation qu’ils ne désiraient pas par inquiétude d’être « sans rien ».
Peut-on espérer une transparence de Parcoursup ?
Il faut d’abord s’interroger sur la signification de « transparence de Parcoursup », et comprendre si l’on parle uniquement de la publication du code, qui requiert des capacités informatiques pour le déchiffrer.
Les obligations de transparence algorithmique ont des exceptions. « Le secret des délibérations des commissions d’examen est protégé par la loi », explique Justine Banuls. En 2020, le Conseil constitutionnel a répondu à une question prioritaire de constitutionnalité portant sur la conformité constitutionnelle d’un article de la loi ORE selon laquelle les candidats peuvent obtenir « des informations relatives aux critères et modalités d’examen de leurs candidatures, ainsi que des motifs pédagogiques, une fois la décision prise » pour protéger ce fameux secret des délibérations. Le Conseil constitutionnel a accepté ce système : en clair, une fois qu’une décision de refus a été prise à leur égard, les candidats peuvent obtenir ces informations en question. L’usage des algorithmes pour établir un classement des candidats a aussi été reconnu comme légal, à condition que les attendus et les critères généraux encadrant l’examen des vœux et modalités d’examen des candidatures soient connus des candidats en amont de la procédure.
En résumé… La transparence des critères et modalités d’examen définies par les universités pour classer les étudiants ne compte-elle pas plus que la transparence du code informatique de l’algorithme de Parcoursup ?