« Parcoursup est une usine à stress », avouait Emmanuel Macron dans le journal télévisé de M6, en mars 2022. Il y faisait part de son souhait que des séances d’aide, consacrées à l’orientation, soient octroyées aux élèves dès le collège, à raison de plusieurs heures par semaine. Une nécessité pour appréhender le futur des élèves et leur entrée sur la plateforme Parcoursup. Entre saisie des vœux et lettres de motivation, celle-ci est un casse-tête pour les parents et les élèves, et ce, bien avant la terminale.
Une réforme qui tombe à pic pour les entreprises privées de coaching en orientation, qui ont constaté une hausse de la demande d’accompagnement depuis sa mise en place. Nathalie Paquette, issue d’une formation en école de commerce, a exercé dans divers secteurs, de l’immobilier à l’ISCOM Paris ; un chemin qui lui a « permis de bien connaître le monde du travail », confie-t-elle. Elle obtient en 2018 la franchise Eurêka Study, qui lui permet d’exercer comme consultante en orientation scolaire au nom de l’entreprise. Elle a pour cela dû être formée durant 8 mois sur différents secteurs d’activité allant de l’ingénierie, à la santé, en passant par l’artisanat. Elle note sur la période 2021/2022 une augmentation d’environ 30% de ses demandes d’accompagnement. Au mois de février 2022, elle accompagnait une trentaine d’élèves. La réforme aurait accéléré une prise en charge de missions éducatives par des acteurs hors de l’école, notamment privés. C’est le cas de RectoVersoi, TonAvenir.net, PremierCap ou Eurêka Study, ce dernier s’inscrivant comme l’un des leaders du marché.
Un coaching réservé à un milieu social favorisé
Eurêka Study propose trois formules, avec différentes échelles de soutien et de suivi, les tarifs varient selon le temps accordé à l’élève. De 390 € pour la plus petite formule, composée de deux séances, la plus onéreuse monte jusqu’à 890 €, pour un suivi continu sur l’année. Le prix de la réussite ?
« Nos tests d’orientation et nos parcours rendent concrète l’orientation et donnent un autre sens aux études » : les recettes miracles proposées par ces sites sont plutôt alléchantes, mais ce sont des promesses à l’addition salée. « Ce sont des élèves très favorisés qui viennent vers moi. Le bilan d’orientation coûte 590 €, la sélection est là », affirme sans détour la coach. Elle constate que « ce qui inquiète beaucoup les parents, c’est la manière dont les formations de l’enseignement supérieur font leurs choix », les motivant alors à se tourner vers elle. Et sa clientèle va de la 3ème au Bac+2, en passant par les spécialités du Bac : la préoccupation Parcoursup émerge en fait bien avant la terminale.
La tarification d’un droit universel à l’éducation ?
Certains enseignants se demandent si la valorisation des élèves repose désormais sur l’accompagnement privé et les professionnels du marketing, omniprésent parmi les coaches : ancienne DRH, contrôleuse de gestion, commerciale. Des coaches qui connaissent donc sur le bout des doigts les techniques managériales et de mise en valeur de produits sur un marché.
S’ajoutent à ce soutien des certifications payantes proposées par d’autres organismes privéspour attester, par exemple, du niveau d’anglais (TOEIC), mais aussi des frais pour l’examen des dossiers comme cela peut être le cas pour les Grandes Écoles (ENS, IEP). L’entrée dans les études supérieures peut donc se vendre à des centaines voire des milliers d’euros, pour plusieurs candidatures.
C’est contre cette marchandisation d’un droit universel à l’éducation qui « devrait être systématiquement gratuit » que des associations proposent un accompagnement bénévole. Par exemple, l’UNEF et sa plateforme SOS Inscription viennent compléter l’accompagnement personnalisé intégré dans les emplois du temps des élèves, assuré par les professeurs au lycée.
L’accompagnement à l’orientation doit tenir sur approximativement 2 heures par semaine en terminale, pour une valeur indicative de 54 heures annuelles. « Certains lycées le font, d’autres ne le font pas », constate Nathalie Paquette, qui considère que « ce n’est pas leur boulot. Nous, on y consacre tout notre temps, on a des formations pour être au fait des derniers changements de Parcoursup tous les mardi matins, pas eux. » En effet, les enseignants, pourtant en première ligne, sont peu formés sur le sujet. Pour la conseillère, le problème est ailleurs : « si on supprime Parcoursup, on fait quoi après ? », questionne-t-elle, à l’heure où 18 % des 18-25 ans considèrent qu’ils n’ont pas eu le choix de leur orientation. Avant d’ironiser à moitié « moi, je remercie monsieur Blanquer. S’il n’y avait pas eu de réforme, on n’aurait pas eu de boulot. »