Le choix des cours dit « à la carte » est une innovation directe de la réforme du Bac, qui permet aux élèves de sélectionner certaines matières et abandonner les autres. Cette nouvelle méthode s’est couplée à une réforme de l’orientation et de la sélection dans l’enseignement supérieur : Parcoursup remplace APB. Jean-Michel Blanquer, ministre de l’Éducation nationale, transforme la façon de recruter les étudiants dans le supérieur et modernise le sésame d’entrée, le baccalauréat.
La nouveauté est toutefois relative : le pays n’en est pas à son coup d’essai, puisque le Bac général n’existait que depuis 1995, lorsque Jack Lang avait proposé les trois séries simplifiées L, ES, et S. Plus qu’une simplification du lycée, l’objectif affiché de 2018 est plutôt de permettre aux étudiants de choisir des spécialités « en fonction de leurs goûts et de leurs motivations ». L’adolescent qui se prépare aux études supérieures peut désormais renoncer à certaines matières et se focaliser sur celles qui lui plaisent. Une sorte de pas en avant vers les jeunes, promouvant une certaine liberté éducative, avec ces parcours plus modulables.
Étienne, 19 ans, ancien élève d’un grand lycée de Marseille, a passé les nouvelles épreuves écrites du Bac en 2021. Il a apprécié le principe et l’objectif de la réforme : « J’ai pu abandonner les mathématiques, pour lesquelles je n’avais pas d’appétence particulière, et me concentrer sur de l’économie, de la géopolitique… c’est important d’avoir le choix ! », relate-t-il, alors qu’il est aujourd’hui dans une prépa hypokhâgne. Il nuance toutefois. « On nous a vendu un système de choix « à la carte », mais les différences sont très minimes. Nous sommes parmi les pires en maths en Europe, les supprimer n’était pas la solution ! La réforme ne profite qu’à la minorité de ceux qui ont une idée extrêmement précise de ce qu’ils veulent faire. ».
Mettre fin à la hiérarchisation des débouchés
Ce sont plus de 500 000 bacheliers qui ont passé ces épreuves modifiées en 2021, selon ce parcours « à la carte ». Mais qu’en est-il de l’addition à régler lorsqu’on est face à des menus sans prix ? Il s’agit de la question que soulèvent certains, la réforme étant venue, selon eux, compliquer la recherche d’études postbac. Ce qui avait l’air d’« un bon moyen de mettre un terme aux préjugés sur l’excellence des filières scientifiques » s’est transformé en « déception », tranche Léa, qui à vingt ans candidate actuellement aux écoles de commerce. Elle n’a pas apprécié le manque de flexibilité de ce nouveau système, elle qui a passé son Bac en 2021 à Manosque. Elle poursuit : « Non seulement la discrimination des filières demeure, mais en plus, on est paumés. J’ai abandonné les mathématiques… avant de m’orienter vers une prépa aux écoles de commerce ». Elle assume son choix, mais explique qu’elle aurait préféré pouvoir se retourner, pour éviter les difficultés liées à l’enseignement supérieur et à sa sélectivité. Ainsi, quand bien même certains étudiants apprécient pouvoir sortir du carcan d’un tronc commun, une partie d’entre eux estime qu’ils ne détiennent que trop peu de clefs pour comprendre de quoi leur avenir sera fait. S’ajoutent à ces parts d’ombre des professeurs peu informés, alors que la première vague de bacheliers doit subir les conséquences d’une réforme qui prend le temps de s’installer. Les problèmes soulevés par la nouvelle plateforme Parcoursup – caractérisée par un trop peu d’informations sur son algorithme, son mode de fonctionnement et sur la sélectivité repensée – jouent ici un rôle important. Les deux « sous réformes » du baccalauréat et de Parcoursup devaient être complémentaires, or, il ressort de l’expérience des jeunes interrogés qu’elles paraîtraient presque contradictoires. Et puisque l’orientation commence dès l’entrée au lycée, et que tout choix peut retentir sur l’avenir de chacun, les adolescents ont tout intérêt à ne pas se tromper en dépit de ces lacunes.
Ceci dit, une méthode similaire a déjà porté ses fruits en Finlande, pays au système scolaire adoubé, lequel se rapproche d’ailleurs du nouveau Bac dans l’Hexagone. Jean-Michel Blanquer aurait tout bon ? Et pourtant : là-bas, les conseillers d’orientation jouent des rôles clefs, le baccalauréat porte un poids social et historique moins prenant, et surtout, les étudiants font souvent leur entrée dans le supérieur plus tard. Les bacheliers 2022 et leurs successeurs feront face à des filières potentiellement moins hiérarchisées, mais la réforme Blanquer coince encore. Et ce, dans le sens où l’autonomie renforcée conférée à ces bacheliers incertains se conjugue mal avec leur entrée directe dans la vie active.