Si pour Valentine 3+3 égale bien 6, les mathématiques et elle en revanche, ça fait 2. Soustractions, divisions, problèmes… l’élève n’a jamais apprécié cette matière, bien au contraire. Benjamine d’une fratrie de cinq enfants, l’amour pour les mathématiques ne semble pas héréditaire, ses frères et sœurs ayant tous suivi un cursus scientifique : « Il y a trop de probabilités, de « x » et de « y » où je ne comprends rien. Je n’ai jamais compris comment mes frères et sœurs faisaient ». Habitant le quartier tranquille de la Croix-Rousse à Lyon (Rhône- Alpes), Valentine, 18 ans, élève dans le lycée Belmont, a hâte d’en finir avec les maths. Derrière ses grosses lunettes rondes et sa frange qui lui donnent un air réservé, la lycéenne est catégorique : « Non je n’ai jamais aimé les maths de toute façon, ça n’a jamais été mon point fort ». La rupture n’est toutefois pas totalement consommée, puisqu’elle est tenue de suivre une heure de mathématiques toutes les deux semaines avec le tronc commun imposé aux élèves de terminale. Valentine n’est pourtant pas la seule lycéenne à avoir décidé d’en finir avec cette matière, qui n’a jamais été très prisée par les étudiantes. Un an avant la mise en place de la réforme, seules 23% des filles détenaient un baccalauréat scientifique contre 39% des garçons à la fin de l’année scolaire 2018.
Les matières scientifiques prisées par les garçons, délaissées par les filles
Instaurée par le ministre de l’Éducation, Jean-Michel Blanquer, la réforme du lycée a mis fin à la rentrée 2018 aux séries L, ES et S. Les mathématiques sont désormais enseignées sous forme de spécialité, en dehors du tronc commun. Ne portant pas cette matière dans son cœur, Valentine se réjouit de cette réforme : « Grâce à ça, j’ai beaucoup moins de mathématiques. La plupart de mes copines ont fait comme moi et n’ont pas pris l’option ». Les mathématiques comme distinction de genre ? Peut-être bien puisque que près de la moitié des filles en filière générale abandonnent cette matière en fin de classe de seconde. En 2010, 38% des filles en terminale font plus de 8 heures de maths alors qu’en 2021, elles ne sont plus que 31% à suivre plus de 8 heures de mathématiques. Si le Bac S était considéré comme la « voie royale » aussi bien par les professeurs que par l’opinion publique pour les débouchés professionnels, la filière accueillant en 2018 plus d’un quart de tous les bacheliers, l’option mathématiques n’harangue pourtant pas les foules. Dans le cas de Valentine, la lycéenne est bien obligée de reconnaître quelques difficultés dans cette matière. Comme un mea culpa, elle assume à demi-mot ses lacunes en remontant ses lunettes sur son nez : « C’est une horreur parce que j’ai arrêté les maths en seconde avec le confinement, donc clairement j’ai énormément de mal à garder un bon niveau dans cette matière ».
Renouer avec ses centres d’intérêt
Les mathématiques, un tremplin vers un avenir radieux ? Pour les frères et sœurs de la lyonnaise, ne pas prendre l’option maths est très risqué. Pourtant, le calcul est vite fait pour Valentine, elle qui ne souhaite pas faire une carrière professionnelle en lien avec cette matière : « J’espère que ne pas avoir pris l’option maths ne va pas me poser de problèmes plus tard dans mes études. Avant, avec le Bac S on pouvait aller partout. Ma sœur a fait ça et maintenant elle est à Sciences Po alors que ça n’a rien à voir. C’est pour ça que mes frères et sœurs s’inquiètent mais je pense que maintenant ce sera différent et que je n’aurai pas besoin des mathématiques !». Plutôt confiante dans son choix, la réforme lui a permis de sélectionner des options qui collent avec ses centres d’intérêts : « Je suis plutôt contente de ne pas avoir pris cette option, et même si j’ai toujours des mauvaises notes en maths, je m’en sors bien et j’ai une meilleure moyenne cette année », déclare-t-elle avec un large sourire. Passionnée par les matières littéraires depuis son plus jeune âge, la réforme du lycée lui a donné l’occasion de choisir la spécialité langues, littératures et cultures étrangères et régionales ainsi que humanités, littérature et philosophie. « Je lis depuis que je suis toute petite et j’adore ça ! Au moins là je suis tranquille et j’aime ce que j’étudie, pas comme avec les mathématiques », conclue-t-elle en riant. Le Bac approchant, Valentine va désormais se concentrer sur ses révisions et espère prochainement intégrer une classe préparatoire littéraire, pour en finir définitivement avec les mathématiques.