La France serait le pays européen où l’anglais est le moins bien maîtrisé chez les adultes. Un rapport d’Education First – une société d’éducation internationale spécialisée dans la formation linguistique – publiée en 2014 le confirme. Avec un score de 52,9 points, soit 17 points de moins que le Danemark classé premier, la France se trouve parmi les nations possédant une maîtrise « moyenne » de l’anglais. Cette enquête cible notamment les méthodes d’enseignement de la langue de Shakespeare au pays de Molière. En 2019, un rapport du Centre national d’étude des systèmes scolaires – un établissement d’enseignement supérieur et de recherche français – sur le niveau des élèves français en Anglais paraît. Le bilan est plutôt positif, certes les lycéens français conservent des difficultés pour s’exprimer en anglais, mais ils obtiennent de bons résultats en compréhension écrite. Encourageant ?
Aujourd’hui, tous les lycéens peuvent choisir la spécialité langue, littérature et civilisation étrangère en anglais (LLCE anglais). Avant la réforme du baccalauréat de 2018, la pratique soutenue de cette langue était réservée à une poignée d’élèves ; ceux qui optaient pour des sections européennes ou les élèves de la filière littéraire qui choisissaient la spécialité anglais renforcé, soit une centaine d’élèves par établissement.
Une matière qui se démocratise
Si cette spécialité est moins privilégiée que les formations plus scientifiques comme les mathématiques ou la physique-chimie (253 224 et 172 456 candidatures en première en 2019 contre 104 109 pour la LLCE toutes langues confondues), des élèves aux profils bien plus divers qu’auparavant optent pour cette dernière. Ils seraient environ 35 % des élèves de première à choisir cette spécialité. Catherine Boyer, professeure d’anglais depuis 40 ans au Lycée Jean-Henri Fabre à Carpentras (Région Sud), témoigne des difficultés liées à cette pluralité d’élèves : « Ce sont des élèves qui choisissent LLCE non pas parce qu’ils sont littéraires mais parce qu’ils aiment bien l’anglais. Ainsi, pour des élèves qui s’en sortaient bien en seconde, une fois arrivés en spécialité en première, c’est dur pour eux ». Juliette, 17 ans et élève de terminale de ce même lycée, a choisi de conserver la LLCE après la première : « J’ai choisi cette spécialité pour approfondir mes connaissances en anglais, mais le contenu des cours est plutôt axé autour de la culture anglaise et de la littérature. Beaucoup d’élèves, dont moi, ont été piégés par l’écart entre ce qu’ils avaient comme idée sur le contenu des cours et ce qu’on fait réellement ».
Chaque année, toujours plus de lycéens choisissent cette spécialité en première « On a commencé avec trois groupes de 18 en première il y a trois ans et là maintenant on a quatre classes de 25 » explique Catherine Boyer. Avant la réforme, seul un groupe d’une dizaine de personnes participait à ce cours. Ils sont désormais deux à trois fois plus nombreux que leurs prédécesseurs, ce qui oblige à revoir chaque année son fonctionnement.
Des écarts de niveau considérables
Le problème majeur réside dans la différence des connaissances entre les élèves participant aux spécialités et ceux bénéficiant uniquement des cours du tronc commun. En anglais, les bacheliers doivent posséder le niveau B2 à leur sortie du lycée, c’est-à-dire un niveau de langue intermédiaire requis pour travailler ou faire un stage à l’étranger. Quant aux élèves choisissant LLCE, ils ont à obtenir un niveau C1 qui correspond à un niveau de maîtrise avancée où il faut savoir utiliser la langue dans différents aspects de sa vie sociale, professionnelle et académique.
Cette différence d’exigence pose problème dans l’évaluation des élèves et pèse parfois sur leur motivation. Selon Juliette, l’écart de niveau est flagrant : « On est 3-4 à faire LLCE et la professeure ne compte que sur nous parce que les autres ne parlent pas un mot d’anglais. Nous on étudie des notions hyper pointues, là où ils ont du mal à conjuguer les temps ». Comme l’explique Catherine Boyer : « On doit évaluer de la même manière en cours de tronc commun des élèves en spécialité et des élèves qui ne le sont pas, ce qui est aberrant et ce qui creuse un fossé entre les notes reçues ».
Des élèves toujours plus nombreux à choisir l’anglais en première, malgré un engouement de courte durée. La spécialité anglais se mue en symbole de cette réforme du Bac, des espoirs d’améliorations nuancés par les moyens mis en place pour y parvenir. Résultat, selon Studyrama (2019), 35,9 % des élèves ayant choisi cette spécialité décident de l’abandonner en terminale.