Guillaume Latzko-Toth « L’apprentissage du codage n’offrira pas un emploi à tout le monde »
Qu’est-ce que le codage, ou la programmation informatique ?
Le code est une notion à géométries variables, il ne s’agit donc pas toujours de rédiger des programmes informatiques destinés à faire fonctionner un site Internet ou des applications. L’extension, c’est par exemple modifier des contenus sur une page Wikipédia : cela passe par l’utilisation d’instruction de mise en page, comme pour la création d’un site web. En résumé, le code, c’est ce qui permet à la machine de comprendre ce que la personne humaine qui s’en sert souhaite qu’elle fasse.
Est-il, selon vous, indispensable de savoir coder ?
Il y a une différence entre avoir connaissance des mécanismes de la programmation, et être un véritable informaticien. Selon moi, une connaissance des bases du codage, au niveau de l’instruction, est importante, voire nécessaire. Il s’agit de comprendre la logique de la programmation. En revanche, je ne pense pas que tout le monde doit être un technicien, cela serait une dérive.
Pensez-vous alors qu’il faille enseigner la programmation informatique, en premier lieu à l’école ?
Il est utile que les enfants jeunes soient éveillés, tout comme à d’autres disciplines comme l’art ou la musique, à l’art de la programmation informatique. Il faut que les jeunes sachent comment cela fonctionne, et comment on peut amener une machine à faire ce que nous lui demandons. Cela permettrait de comprendre le fonctionnement d’un algorithme, et donc d’un réseau social, d’un moteur de recherche… Aujourd’hui, avoir des notions de codage, c’est presque une compétence citoyenne. Cela permet de s’orienter et de comprendre le monde, et peut fournir une capacité d’agir, un instrument pour s’épanouir et réaliser des choses, au même titre que le sport et la musique. Pourtant, il faut mesurer les limites de l’apprentissage du codage : bientôt le langage informatique sera dépassé et obsolète, apprendre une technique ne suffit pas. Surtout, il ne faut pas tomber dans un optimisme débordant, une naïveté face aux possibilités que peut offrir la programmation informatique. C’est une illusion de croire que l’apprentissage du codage pourra permettre à tout le monde de trouver un emploi, par exemple.
La programmation informatique peut-elle représenter autre chose chose qu’un simple instrument ?
Oui, il existe une philosophie du code. C’est-à-dire une compréhension des logiques qui interviennent dans les programmes, qui vont influencer la manière de recueillir des données. Il existe aujourd’hui une omniprésence du code : tous les dispositifs techniques avec lesquels nous sommes en contact fonctionnent avec des codes et des algorithmes. Ceux-ci sont tellement ancrés dans notre paysage qu’on en vient à les oublier. Il ne faut donc pas laisser la programmation aux informaticiens, il faut que le public s’en empare. Récemment, par exemple, on a appris que des chercheurs travaillant sur Facebook sont capables de manipuler les émotions des utilisateurs en biaisant la nature des contenus sur le fil d’actualité, c’est vraiment effrayant.
Derrière l’apprentissage du codage, il y aurait donc un enjeu démocratique ?
Tout à fait. Il faut que chacun se mêle de la façon dont les algorithmes sont conçus, que les citoyens s’y intéressent. Et pour cela, il faudrait enseigner les bases du codage à tout le monde, comme faisant partie d’une sorte de socle de culture générale. Sans toutefois tomber dans la naïveté de penser que tous les maux d’une société peuvent être résolus en apprenant la programmation informatique.