Que pensez-vous de la façon dont les médias traitent le sujet des banlieues aujourd’hui ?

Le traitement médiatique des banlieues épouse le point de vue de l’élite qui regarde les milieux populaires. C’est un regard apeuré d’autant que les médias ne vont dans ces espaces que pour les faits-divers. L’image globale qui est véhiculée est donc celle de l’élite accentuée par le traitement des catastrophes notamment à travers les chaines d’information en continu qui marquent une évolution importante dans l’univers des médias.

Selon vous, quelle est la place du journaliste dans la création de ce phénomène de stigmatisation ?

Le journaliste n’invente rien puisque son travail est justement de commenter des événements. Aujourd’hui, il y a de plus en plus de journalistes de bureau qui travaillent principalement à partir des dépêches AFP, d’un téléphone et d’un ordinateur. Il arrive parfois de trouver dans les médias des erreurs récurrentes notamment concernant les chiffres. Cela s’explique principalement par le fait que le journaliste doive travailler dans la rapidité, avec une forte dépendance aux sources et que les médias soient dans un phénomène de mimétisme avec leurs concurrents.
Apparaissent alors des phénomènes de mode qui ne sont pas obligatoirement révélateurs d’une hausse des comportements de délinquance. Cela a été le cas à l’approche des présidentielles de 2012. Beaucoup de médias se sont mis à traiter la question des règlements de comptes à Marseille sans pour autant que ce soit lié à une augmentation de leur nombre. Cela correspondait simplement à l’agenda politique des candidats en visite.

Le traitement médiatique des banlieues peut-il avoir un
effet sur le comportement des jeunes et leur rapport à la
délinquance telle une prophétie autoréalisatrice ?

C’est une question difficile car on ne sait quasiment rien sur la réception du message médiatique et de son impact sur les comportements. Mais, en ce qui concerne la délinquance, nous pouvons noter que certains jeunes délinquants peuvent se revendiquer “délinquants de Marseille” sous-entendu “pire que les autres”. C’est effectivement une façon de réagir aux stigmates pour se sauver la face.

Propos recueillis par Sara Gaujour

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Sara Gaujour