Soly Mbae, figure incontournable du rap marseillais en est convaincu : de sa plume engagée, il s’estime « chroniqueur du quotidien », à l’image de rappeurs comme Kery James ou Médine qui font de la musique un moyen de « décrire les banlieues telles qu’elles sont, sans angélisme […] pour que les gens sachent nos priorités, nos espoirs ». Le rap, lorsqu’il est utilisé avec intelligence, aux antipodes d’un rap de pur divertissement souvent teinté de violence et de misogynie, peut fournir une analyse brute et crue de la réalité dans les cités, une analyse que « les politiciens auraient dû plus écouter». Accessible à tous, ne nécessitant aucun cours de solfège, le rap semble être un des moyens les plus appropriés aux gens des quartiers popu- laires pour reprendre la parole.

Reprendre la parole : une nécessité.

Dans un de ces morceaux, Youssoupha martèle « Marre de regarder la télé car la télé ne nous regarde pas ». Le problème, c’est que souvent, les médias parlent de la banlieue sans elle. Soly M’bae reproche aux « spécialistes de la spécialité », ces intellectuels vedettes des plateaux télé, de se prétendre experts des problématiques d’un territoire qu’ils fantasment plus qu’ils ne le vivent. Plus que de répandre de fausses croyances sur les banlieues, les stéréotypes sont souvent intériorisés par les jeunes de cités. C’est le constat que fait Soly M’Bae lors des ateliers rap réalisés dans le cadre de l’association

Sound Musical School qu’il dirige. « Ils me disent : ça ne sert à rien d’aller à l’école », croyant au déter- minisme de leur milieu social. Là aussi, le rap joue parfois le rôle de destructeur de préjugés : « On n’est pas condamné à l’échec », assène Kery James dans Banlieusards, une chanson qui s’adresse à « ceux qui ne font pas toujours ce qu’on attend d’eux ».

Sentiment d’être dépossédé de la parole médiatique, « fait-diversification » de l’information qui nuit au « vivre-ensemble »… Le constat de Soly M’Bae est sombre. La solution selon lui ? « Faire entendre la parole, la douleur des gens » dans ces banlieues. Et jusqu’aujourd’hui, le rap semble en être le meilleur moyen.

A propos de l'auteur

Maëva Gardet-Pizzo