Du mariage pour tous aux ABCD de l’égalité, une continuité dans l’opposition ?

Le 17 mai 2013, la loi sur le Mariage pour Tous, qui ouvre le mariage aux couples aux personnes de même sexe, est publiée au journal officiel. À la rentrée de la même année, les ABCD de l’égalité sont lancés dans des écoles-test. Le fil rouge entre ces deux projets ? L’opposition, profitant du climat créé par le débat sur le mariage pour tous, a trouvé un nouveau cheval de bataille dans ce projet.

Le Mariage pour Tous, qui a occupé le débat public et médiatique de son annonce en 2012 à sa publication au printemps 2013, a été l’objet de vives contestations. Sous la bannière de la « Manif ’ pour Tous », des milliers d’opposants manifestent régulièrement, avec une communication particulièrement efficace. Des leaders émergent et viennent incarner ce mouvement, comme Frigide Barjot.

La rentrée scolaire 2013 est marquée par l’essai dans plusieurs écoles des ABCD de l’égalité, plus de six mois après l’adoption de la loi sur le Mariage pour Tous. Ces deux sujets, à première vue assez éloignés – l’un traitant d’union civile entre personnes de même sexe, l’autre de repenser les programmes scolaires pour favoriser l’égalité entre filles et garçons – ont pourtant mobilisé les mêmes forces d’opposition.

Ainsi, pour Philippe Aldrin, directeur du CHERPA (le centre de recherches de Sciences Po Aix), « il ne faut pas dissocier le débat très violent qu’il y a eu en France sur le mariage pour tous et le surgissement dans le débat public des gender studies. »

À l’origine, les études de genre ou gender studies, fortement présentes dans le monde universitaire, s’intéressent aux rapports entre sexe biologique et genre chez les individus. De leur côté, les opposants, dans leur argumentaire, font passer la « théorie du genre » pour une idéologie qui viserait à nier toute différenciation sexuelle.

Il considère que les opposants – dont l’un des arguments est la crainte d’atteintes aux valeurs de la famille – n’ont « pas eu besoin de souffler sur les braises » pour relancer le débat, dans un contexte de « recroquevillement sur les valeurs traditionnelles ». Le point crucial sur lequel a joué l’opposition est le concept de « théorie du genre ». Après Frigide Barjot, une nouvelle figure de l’opposition émerge : Farida Belghoul. L’ancienne militante antiraciste des années 80 s’est illustrée en s’engageant contre un prétendu enseignement de la théorie du genre à l’école contenu dans les ABCD de l’égalité, et est à l’origine des fameuses « journées de retraits de l’école » en janvier 2014.

Des SMS avaient largement circulé chez les parents d’élèves. On pouvait y lire que, outre l’apprentissage de la théorie du genre à l’école, des cours d’éducation sexuelle « avec démonstration » seraient dispensés dès la maternelle.

Comment expliquer l’émergence de ces rumeurs, toutes infondées et déconstruites par la suite ? Philippe Aldrin, spécialiste du sujet (auteur de Sociologie politique des rumeurs en 2005), explique que la rumeur a pour source un « marché noir de l’information » qui peut s’installer lorsque il y a un « manque de discours d’accompagnement et de pédagogie ». Dans le cas des ABCD de l’égalité, on peut donc expliquer l’émergence des rumeurs par une faillite des hommes politiques et des associations qui défendaient le projet à occuper l’espace médiatique. En conséquence, l’argumentaire de l’opposition et la critique ont pris le pas sur le fond même de la réforme.