« Au départ », explique la professeure, « la ministre voulait principalement donner des outils aux enseignants qui veulent sensibiliser les enfants aux inégalités entre les sexes. Mais des courants politiques et religieux ont lancé
des rumeurs ; les études de genre sont devenues une « théorie », une idéologie qui conduirait à l’indifférenciation des sexes allant à l’encontre de leur naturelle complémentarité ». Suite à cette polémique, des parents d’élèves ont organisé des journées de retrait de l’école, et le gouvernement a fait marche arrière sur ce projet.
Pour Nicole Mosconi, cette peur du genre est compréhensible, mais injustifiée, puisque cette notion est apparue pour étudier et évaluer les inégalités entre les sexes aux différents niveaux de notre société non pas pour consacrer une indifférenciation des sexes. D’autant que des textes de lois incitant les enseignants à éduquer les enfants à l’égalité des sexes existent déjà en France. Selon un rapport de l’inspection générale (en 2013), la plupart d’entre eux ne connaissent pas leur existence ; certains refusent de les appliquer, soit par conviction, soit par peur de la polémique. D’autres professeurs, enfin, sensibilisent déjà les enfants aux inégalités de sexe au travers des différentes disciplines scolaires. Nicole Mosconi évoque une autre solution : imposer une plus grande présence des femmes dans les programmes scolaires, « pour conscientiser qu’elles ont une vraie place dans notre société ».
Selon elle, les manuels scolaires doivent également être débarrassés des clichés sexistes, « mais ça, c’es pas pour demain ».
Pour Nicole Mosconi, pas de doute : le rôle de l’école publique n’est pas seulement d’instruire, mais aussi d’éduquer les enfants aux principes fondamentaux de notre République. L’égalité entre les sexes fait partie de ces principes fondamentaux inscrits dans notre Constitution, au même titre que la liberté d’expression ou la laïcité. Or, pour cette professeure, on ne peut pas parler d’égalité hommes- femmes, sans évoquer la question du genre.
Pourtant, depuis la polémique autour des ABCD de l’égalité, la notion de genre suscite de nombreuse peurs. Pour Nicole Mosconi, celles-ci viennent principalement de la morale et des valeurs judéo-chrétiennes qui restent fortement ancrées dans notre société française. Elles se sont surtout cristallisées avec la mobilisation des « déçus de la manif pour tous » contre le projet de Najat Vallaud-Belkacem.