Benoît Payan et les navires de croisières: conviction, respect des alliances électorales ou marketing politique bien emballé ?

La relation entre Benoît Payan et les compagnies de croisières qui s’arrêtent sur les côtes marseillaises est, disons-le franchement, agitée. En phase avec les enjeux environnementaux actuels, les prises de positions du maire de Marseille auront su polariser l’opinion publique tant sur le fond que sur la forme. Pétition lancée sur les réseaux sociaux, interventions régulières au conseil municipal et dans la presse, promesses formulées lors de la campagne électorale des municipales de 2020…. son bras de fer avec ce secteur économique est à la frontière entre opportunisme électoral, marketing politique et réelles convictions idéologiques.

L’historique de son engagement concernant l’impact de la pollution des navires de croisière remonte à bien avant son élection comme maire de la deuxième ville de France. Son premier fait d’arme est un courrier commun envoyé avec Josette Sportiello, conseillère municipale PS à la Ville de Marseille, en septembre 2016 à la Ministre de l’Environnement de l’époque, Ségolène Royal. Rappelant que Marseille avait doublé le nombre d’escales de bateaux de croisière entre 2005 et 2016, il dénonçait déjà le fait que ‘les pouvoirs publics n’auraient à aucun moment pris en compte les problèmes environnementaux et le scandale sanitaire engendré par cette pollution’. En janvier 2018, rebelote: le jeune élu, alors président de l’opposition au conseil municipal, souligne dans un reportage de BFM TV que la santé des Marseillais n’aurait pas de prix et ne pourrait être mise en concurrence avec le développement économique et touristique de la ville, il affirme régulièrement que la pollution générée par les navires de croisières serait comparable à celle d’un million de voitures ou d’une usine à charbon du XIXᵉ siècle. En 2018 toujours, il tente de voter une taxe de séjour pour les croisiéristes – sans succès. Deux visions s’opposent frontalement: celle de la croisière comme attraction touristique, portée par la droite et en particulier Jean-Claude Gaudin, le maire de Marseille jusqu’en 2020, et celle de la protection des Marseillais, défendue par la gauche. 

Les élections municipales de 2020 changent la donne : la coalition de différents partis de gauche autour du Printemps Marseillais est élue avec la promesse ‘d’accélérer l’électrification des quais pour que les bateaux de croisière et de marchandises puissent se brancher et réduire la pollution de l’air’ . Fraîchement élu maire de Marseille le 21 décembre 2020, Benoît Payan supprime dès la première séance du conseil municipal plus de la moitié des subventions pour le Club de la Croisière, avant d’interrompre carrément l’adhésion de la Ville à cette organisation en mai 2021. En le décrivant dans un communiqué comme ‘un outil de lobbying (…) dans lequel la relation entre pouvoirs publics et intérêts privés n’est pas équilibrée’, la mairie marque un tournant dans sa relation avec les croisiéristes. 


Très vite, le maire de Marseille prend le leadership de la lutte contre les compagnies de croisières : la mise en ligne d’une pétition en juillet 2022, signée actuellement par 53 000 internautes (sur 860 000 Marseillais), exige une série de réglementations contre la pollution atmosphérique due au transport maritime. Les soutiens sont nombreux à gauche, notamment chez les élus écologistes de la Ville et les trois nouveaux députés Nupes à Marseille. Le combat du Maire va donc au-delà des limites géographiques de la cité phocéenne. La pétition stipule que ‘les Marseillaises et Marseillais, [exigent] que les règles internationales changent et soient bien plus protectrices de nos mers et de nos villes (…) et des pouvoirs publics la mise en œuvre d’une interdiction des escales pour les navires les plus polluants durant les pics de pollution’. Ici, la cause de ses administrés est extrapolée à l’échelle nationale et même internationale. Une telle manœuvre est très politique, et c’est d’ailleurs sur le terrain politique que le combat se déporte : la première réaction du Président du conseil régional de la région Sud, Renaud Muselier est, de lancer une pique sur la forme, en estimant que ‘ce n’est peut-être pas à un maire de lancer une pétition, c’est plutôt à un maire d’agir’.