Chat GPT ou l’ambition d’un nouveau modèle économique

Alors que ChatGPT s’impose comme une révolution dans le domaine de l’intelligence artificielle, son modèle économique intéresse autant qu’il inquiète. Décryptage.

Si la récente sortie du nouveau modèle de langage multimodal GPT-4 dénote d’une certaine constance de l’entreprise OpenAI dans le développement de ses produits, elle réactive également des craintes importantes, par exemple sur un potentiel monopole ou une utilisation douteuse de la sous-traitance. Plusieurs détracteurs pointent les conséquences qu’un tel outil pourrait avoir, en particulier sur l’économie.

Open AI, qu’est-ce que c’est ?

Le premier statut économique d’OpenAI, lors de sa création en 2015, était celui d’association à but non lucratif. C’est à San Francisco, au cœur de la Silicon Valley, que ses créateurs – Elon Musk, Sam Altman et Greg Brockman pour ne citer qu’eux – se sont donnés pour objectif de promouvoir des technologies d’intelligence artificielle de pointe qui « bénéficieraient à toute l’humanité » et ne seraient pas utilisées à des fins malveillantes. En mars 2019, OpenAI devient une entreprise à « but lucratif plafonné », permettant de procurer des rendements, même limités, aux actionnaires. Son budget initial s’élevait à un milliard de dollars, auquel sont venues se rajouter des aides d’investisseurs. Parmi les plus importants, l’homme d’affaires Reid Hoffman, co-fondateur du réseau social LinkedIn, mais surtout Microsoft, la multinationale la plus impliquée dans l’entreprise avec un milliard de dollars en contrepartie d’un accord de partenariat. Plus récemment, l’offre du géant du web s’est étendue à 10 milliards de dollars, comptant en échange sur l’intégration des produits d’OpenAI dans ceux de Microsoft.

Quels acteurs participent à ce modèle économique ?

OpenAI compte environ 375 salariés, un chiffre faible lorsque mis en perspective avec celui de ses voisins de la Silicon Valley qui en comptent des milliers. Avec des bureaux à San Francisco, Seattle, Londres et Bruxelles, l’entreprise s’entoure de chercheurs en intelligence artificielle, d’ingénieurs ainsi que de spécialistes de la communication et de l’administration. Mais une grande part de son modèle économique repose sur la sous-traitance, orientée majoritairement vers l’Amérique Latine ainsi que l’Europe de l’Est. Près de 40% de ces sous- traitants sont des programmeurs informatiques et créateurs de données pour les modèles d’OpenAI, tandis que les 60% restants s’occupent de la « labélisation des données ». Cette dernière activité, nécessaire au bon fonctionnement des algorithmes, consiste à identifier et classifier les données en fonction de leur contenu afin de les entraîner à effectuer des prédictions précises sur de nouvelles données non étiquetées. Mais cette sous-traitance soulève une inquiétude économique et éthique. En effet, dans une enquête, le Times alerte sur un réseau de travailleurs kenyans sous-payés par OpenAI, qui seraient chargés de labéliser des données ultraviolentes afin d’entraîner le logiciel.

Existe-t-il un danger économique ?

ChatGPT pose de nombreuses questions éthiques, morales, mais également et surtout économiques. Comme la plupart des innovations majeures qui révolutionnent un secteur, l’agent conversationnel provoque un vent de panique. Si certains se soucient de la destruction d’emplois, d’autres s’inquiètent des changements structurels plus globaux qu’il implique dans l’organisation du travail. ChatGPT, en offrant une automatisation des tâches, permet de réduire les coûts de production et d’augmenter l’efficacité, rendant en effet certaines industries obsolètes. Mais si le bouleversement de ce domaine de l’intelligence artificielle entraîne des licenciements et met en péril certains emplois, il permet également de dynamiser un secteur dans son ensemble, d’augmenter les capacités et de repenser tout un pan de l’économie mondiale. En revanche, pour que cette « destruction créatrice », théorie de l’économiste Joseph Schumpeter, porte ses fruits, il faut que des efforts de régulation soient faits. Si aucun de ces dangers n’est pris en considération, ChatGPT risque de devenir une norme en matière d’intelligence artificielle, pour le meilleur ou pour le pire…

Marine Caron