Les prépas Talents : une chance supplémentaire pour diversifier la haute fonction publique

Près d’un millier d’étudiants ont intégré depuis septembre les nouvelles Prépas Talents, qui ont ouvert un peu partout sur le territoire français. Leur but ? permettre à des étudiants boursiers de passer les concours de la fonction publique et ainsi diversifier le visage de la haute administration française.

« Notre ambition est de trouver et de former des hauts fonctionnaires qui ressemblent davantage à la diversité sociale et territoriale de notre pays » expliquait Amélie de Montchalin, la ministre de la Transformation et de la Fonction publiques, à la suite de l’annonce par le président de la suppression de l’ENA, le 11 février 2021. C’est dans ce but, diversifier la haute fonction française, que 1 000 places supplémentaires de prépa Talents ont été ouvertes depuis septembre 2021. Ces élèves, sous condition d’être boursiers et « méritants », auront accès  à six concours de la fonction publique ENA, directeur des services pénitentiaires, directeur des établissements sanitaires sociaux et médico-sociaux, commissaire de police, administrateur territorial et directeur d’hôpital). Comme le souligne le gouvernement, le nombre de places dédiées à ce concours sera compris entre 10 et 15 % des places offertes aux concours externes. « Ce n’est pas un profond bouleversement de la composition des hautes sphères, nuance Antonin, 26 ans, étudiants à la Prépa Talents de Sciences Po Lille. Mais clairement c’est une réforme qui va, selon moi, dans le bon sens : celui de diversifier les grands corps et renouer la relation état-citoyens. »

Outre le doublement de la bourse annuelle cette année (4 000 euros pour les étudiants Talents), l’un des grands bouleversements, ce sont certainement leurs emplacements partout en France[MOU3] [a4] . Il y en aura deux par région, avait promis le gouvernement, ce qui permettra aux étudiants d’outre-mer mais aussi à ceux qui n’habitent pas les grandes métropoles, d’avoir plus facilement accès à ces formations. « C’est un avantage de pouvoir suivre une de ces formations à La Réunion. Nous n’avons pas besoin de déménager ailleurs ni d’engager des frais supplémentaires » explique Jérémy, 25 ans. 

Comme tous les Talents, Antonin a été sélectionné sur dossier et après un oral. La plupart de ces étudiants intègrent ces prépas après l’obtention d’une licence et un master – souvent en sciences politiques ou en droit. C’est notamment le cas de Sarah, élève à la Prépa Talents de Bordeaux, diplômée d’une licence de droit public, et qui suit en plus de la prépa un master 1 de droit et pratique des contentieux publics. Les candidats assistent à une vingtaine d’heures de cours par semaine, qui les aident et les guident pour les épreuves écrites et orales des concours qu’ils préparent. « Et puis on a des témoignages inspirants de lauréats qui viennent du même milieu que nous » ajoute l’étudiante bordelaise, qui prépare le concours des tribunaux administratifs et cours administratives d’appel, pour devenir juge administratif. 

C’est justement de « ce milieu » dont il est beaucoup question pour ces étudiants Talents. Tous issus de quartiers défavorisés, de zones rurales ou ayant grandi dans des familles aux revenus modestes, ils éprouveraient un sentiment de fierté s’ils réussissaient ces concours. Ce serait « montrer que tout le monde peut réussir des grands concours de la fonction publique indépendamment de [son] milieu social d’origine » explique fièrement, une étudiante de 21 ans de la prépa Talents de La Réunion[MOU5] [a6] . Au-delà de la fierté des candidats aux concours, il en va de la représentativité de la population française, comme le soulignait la ministre de la Transformation et de la Fonction publiques, lorsqu’elle déclarait que « la haute fonction publique ne ressemble pas à ce qu’est la France. » Les chiffres de l’ENA parlent d’eux-mêmes : dans la promotion 2019-2020 (comptant 82 élèves), seul un élève a un père ouvrier. 

Il était donc nécessaire que l’État mette en place ce dispositif, afin de diversifier les grands corps administratifs. Mais, comme le souligne Mohammed, 22 ans, étudiant à la prépa de Paris, il y a un « petit problème dans la communication autour de ce dispositif. Beaucoup d’étudiants très talentueux et qui y étaient éligibles n’en ont jamais entendu parler… L’accès à l’information concernant la fonction publique reste donc un vrai enjeu. »

Annah Blouin-Favard