Corinne Orzechowski, préfète de l’Oise. « Je suis la preuve vivante qu’il n’y a pas que l’ENA ! »

 Corinne Orzechowski est préfète de l’Oise depuis un an, pourtant elle n’a pas fait l’ENA. Issue d’une famille modeste d’origine polonaise qui tenait une épicerie dans le Nord de la France, elle jure, à 63 ans, avoir plus souffert du machisme que de l’absence de diplôme de l’école d’administration. 

« Mon parcours n’est pas classique, il est une force »

C’est un peu par hasard que Corinne Orzechowski devient préfète de l’Oise. A l’heure des choix d’orientation professionnelle, elle ne se destinait pas à la haute fonction publique et ignorait tout du parcours universitaire pour y parvenir : « j’ai été préfète et sous-préfète par le hasard le plus total. Mes parents tenaient une épicerie, je ne savais même pas ce qu’était l’ENA, je ne savais même pas ce que je voulais faire. » Vers 12 ans, Corinne Orzechowski commence à travailler en aidant ses parents au magasin.  Quand elle obtient son permis, elle commence les tournées pour livrer des paniers de produits alimentaires. Elle se décide, peu de temps après, à passer des concours administratifs pour rentrer au ministère de la défense, directement après le Bac. Elle y était Commis des services extérieurs : « J’ai eu la chance d’y entrer en cadre C [deuxième grade de la haute fonction publique]. Tout de suite, mon capitaine m’a dit ‘‘tu vas t’inscrire au concours de catégorie B [troisième grade]’’. J’ai directement été admise dans des formations internes de promotion sociale ». Après l’obtention de son deuxième concours, Corinne s’inscrit en histoire à Nanterre tout en préparant la PrepENA à l’IEP Grenoble : « Moi qui ne venais pas d’une famille très intellectuelle, l’histoire était le meilleur moyen d’avoir une bonne culture générale. Je suis donc retournée à l’école. » 

« Il y a de multiples voies. Les plus courtes ne sont pas les seules, ni les meilleures »

Une fois son D.E.U.G (équivalent de la licence 2) d’histoire en poche, Corinne Orzechowski est admissible à l’ENA : « Il y avait des gens très préparés, moi je ne l’étais pas. J’ai été admissible à une époque où on manquait de sous-préfets : le gouvernement a alors ouvert un concours de recrutement de préfets aux admissibles de l’ENA. C’est comme ça que je suis entrée dans le corps préfectoral. » Elle fait donc le choix de ne pas retenter l’école nationale d’administration et de passer le concours proposé par le gouvernement : « J’en avais un peu marre de faire des études, je ne voyais pas l’intérêt, je voulais travailler. » Son parcours montre qu’il existe une multitude d’options en dehors cette prestigieuse École : on peut passer les concours internes, prétendre aux admissions professionnelles dans l’administration ou encore candidater aux postes ouverts par la santé publique. « Les concours de catégories A [plus haut grade] donnent des responsabilités énormes, prenez les directeurs d’établissements pénitencier per exemple. Il n’y a pas que l’ENA et son concours. À 18 ans je ne me doutais pas de ce qui m’attendais. Il vaut mieux savoir le type de mission que vous voulez faire plutôt qu’un titre ou un grade. Au travers de tout ça, on trouve sa voie. »

« J’ai plus souffert du machisme que de ne pas avoir fait l’ENA et d’appartenir à une certaine caste sociale. » 

La préfète affirme avoir été préparée à travailler dans un milieu majoritairement masculin. Elle commence sa carrière au ministère de la Défense qui compte dans l’ensemble de son personnel 20 % de femmes contre 80 % d’hommes aujourd’hui. Cela demande une grande capacité de résistance selon elle : « Quand j’ai eu ma première fille, j’étais à l’hôpital le matin et l’après-midi, le préfet me téléphonait pour me dire qu’on avait une visite ministérielle importante. Quatre jours après ma sortie de la maternité, je me suis rendu à cette visite. » raconte-t-elle, en souriant. Aujourd’hui elle rencontre encore des élus « machos », parfois même des très jeunes qui ne sont pas enchantés de travailler avec des femmes. Il y a des solutions selon elle : « Une politique volontariste et de quotas permettrait au système élitiste de la haute fonction publique de ne pas se reproduire inlassablement », analyse-t-elle. Corinne Orzechowski exprime ainsi un point essentiel dans sa trajectoire : le combat qu’elle a mené pour être légitime aux yeux des autres. D’une voix déterminée et chaleureuse à la fois, elle ajoute : « Rien n’est simple, et il faut redoubler d’efforts quand on est une femme. Je suis fille de Polonais, je viens d’une culture populaire, plus le fait d’être femme… Évidemment qu’il faut se battre. »

Corinne Orzechowski porte un chant d’espoir pour les jeunes générations : « Si tu ne réussis pas du premier coup, il y a toujours moyen de réussir au second. Ne baisse jamais les bras. Une carrière c’est long, il faut y croire et il faut agir ! Ta différence est ton meilleur atout. » 

Clémence Facchinetti