EDITO|JO d’hiver 2030 dans les Alpes françaises, passage de relai d’ores-et-déjà contesté de 2024 à 2030

Dernières foulées pour la campagne des JO d’hiver de 2030. Entre les rapports environnementaux pessimistes, un récit qui paraît de plus en plus « imposé » autour du modèle des Jeux olympiques, la question des retombées économiques qui semble floue… il est légitime de s’interroger : qui veut réellement de ces JO d’hiver ?

Alors que la campagne pour déterminer le lieu de l’édition 2030 des JO d’hiver aurait dû se trouver dans les starting-blocks, le Comité international olympique (CIO) a écourté en amont tout suspens : seule la candidature des Alpes françaises a été retenue, le 29 novembre dernier. Il faut dire que les candidats n’étaient pas légion, en dehors de la France, seules la Suède et la Suisse se sont proposées d’accueillir les prochains Jeux d’hiver. Organiser coup sur coup les JO d’été puis les JO d’hiver, voilà qui semble à première vue un privilège. Pourtant, une pléthore de voix s’élève contre ce projet, le qualifiant d’aberration environnementale, et les JO d’été de Paris approchant à grand pas font état d’un « sujet test » inquiétant à certains égards. 


JO 2024 : le parent pauvre de 2030 ? 


La controverse qui entoure la candidature des Alpes françaises pour les JO d’hiver 2030 se positionne de facto dans le sillage de celle concernant les JO d’été parisiens. Ce lignage entre les deux éditions est assumé et affiché, puisque le verdict final pour 2030 sera rendu entre le 23 et le 24 juillet, soit quelques jours à peine avant la cérémonie d’ouverture des JO de Paris —le 26. Et certaines des « épreuves » à relever pour les Jeux de 2024 se réverbèrent sur ceux de 2030… C’est le modèle même des Olympiades et la « marque » Olympique qui pourraient désormais être à bout de souffle : les JO 2030 seraient-ils ainsi les derniers ?


Une édition contestée mais solidement soutenue par la classe politique


En plus des mêmes défis que son homologue estivale, la compétition des JO d’hiver soulève une problématique environnementale spécifique : l’occasion de se pencher sur l’adaptation des territoires de montagne au réchauffement climatique. En l’occurrence, la quantité de neige est vouée à s’amenuiser d’années en années… Quant aux répercussions sur l’environnement, le bilan des dernières éditions de Jeux olympiques d’hiver n’est que peu reluisant. 

À lire aussi : Derrière le rideau blanc, quel bilan des derniers JO d’hiver ?

En dépit de ce constat, beaucoup d’acteurs, parmi eux des hommes politiques à l’image de Renaud Muselier et Christian Estrosi, et des villes en demande comme Montgenèvre, n’attendent que l’annonce de la tenue des JO d’hiver en France. Attractivité touristique, répercussions économiques, redynamisation des territoires… sont les maîtres mots pour vendre ces JO dans les Alpes, qui se veulent sobres, en utilisant sans grand faste une majorité d’infrastructures existantes. D’autres voix favorables au principe de l’organisation de ces Jeux se montrent toutefois dubitatives vis-à-vis des propositions émises par la candidature Auvergne Rhône-Alpes – PACA. 


Riposte crédible ? 


Plus catégorique, il y a le collectif « No JO », qui s’est invité durant la tournée du CIO dans les Alpes françaises au mois d’avril 2024. Leur but est de faire pression pour que la candidature française soit abandonnée, dénonçant un réel déni climatique du terrain. Il faut dire que leurs arguments reposent sur des données climatiques solides mettant l’accent sur une contingence météo rendue toujours plus incertaine par le changement climatique. Mais pour Stéphane Passeron, porte-parole du collectif, le cœur du problème c’est l’avenir : à quoi bon maintenir un tel modèle quand on sait qu’il est voué à disparaître sous la forme qu’on le connaît ? —À l’horizon 2040, seuls dix pays seront encore capables d’accueillir les JO d’hiver, plus très « international » donc. 


Les Jeux sont faits…


Les actions du mouvement No JO n’auraient-elles pas finalement le retentissement d’un pétard mouillé ? Si le collectif a tenté de s’insurger durant la tournée du CIO dans les Alpes, tout semble indiquer que les jeux soient déjà « faits ». Le regroupement des « anti JO » s’est mué en acte manqué quand la trentaine de personnes qui s’étaient déplacées à Briançon ont raté la délégation du CIO, déjà sur la route pour Montgenèvre… Ce séjour qui se voulait une « inspection » a pris les airs d’une tournée médiatique amorçant les JO 2030. 

S’il est a priori trop tard pour changer la décision à venir du CIO, le collectif No JO et toutes les voix critiques de la candidature Auvergne Rhône-Alpes – PACA ont encore l’opportunité de remporter la bataille de l’opinion publique. —À ceux à la manœuvre de l’organisation de ces prochains JO d’hiver de convaincre. 



Ce 17e numéro du magazine Chicane, petit observatoire des controverses de Sciences Po Aix, vise à décortiquer les différentes positions et parties prenantes de la controverse des JO 2030 afin d’en rétablir les enjeux à 360°. La parole est octroyée à la fois aux détracteurs et aux défenseurs de ce projet, en prenant un angle politico-économique sur les retombées de tels Jeux et l’instrumentalisation susceptible d’en découler, combiné à une focale environnementale et scientifique pour déterminer les conséquences concrètes d’un évènement comme celui-ci sur les territoires, sans oublier une perspective philosophique à propos du sens même d’un modèle de compétition internationale olympique.


Clara-Emmanuella MEZZONE

Clara-Emmanuella Mezzone