Derrière le rideau blanc : quel bilan des derniers JO d’hiver ?

Un siècle après les premiers Jeux olympiques d’hiver organisés à Chamonix, les récits autour de la « magie de l’Olympisme » ne suscitent plus autant d'enthousiasme. Nombreuses sont dorénavant les villes refusant d’accueillir ce méga-événement, notamment en raison de ses répercussions sociales et environnementales. Retour sur les trois dernières éditions hivernales : Sotchi-2014, PyeongChang-2018 et Beijing-2022.

Au-delà du rayonnement sportif, les villes et pays organisateurs espèrent que les coups de projecteurs liés à la compétition se traduisent en retombées économiques conséquentes, notamment par le biais du tourisme. Mais le bilan est contrasté.


La gabegie de Sotchi


Les Jeux de Sotchi, les plus coûteux de l’histoire, ont englouti 50 milliards de dollars selon le vice-Premier ministre russe de l’époque, Dmitry Kozak.


Cet investissement colossal a métamorphosé la région, avec la construction de 550 kilomètres de routes et de voies ferrées, 77 ponts, 2 gares, des dizaines d’hôtels et des installations sportives. Selon Alexandre Faure, docteur en études urbaines, « les Jeux sont bien corrélés à un développement incroyable de la région ». Il souligne cependant que, malgré des retombées économiques tangibles en termes d’emplois et de développement régional, le « coût environnemental et social est terrible et ne sera jamais évalué ».


L’aspect géopolitique demeure également une composante centrale de ces « super événements planétaires ». Dans un contexte de tensions persistantes dans le Caucase et de critiques concernant les violations des droits humains en Russie, les Jeux de Sotchi ont été une occasion pour le gouvernement russe de diffuser sa propre narration politique en célébrant son histoire et sa culture. Ce phénomène se répète souvent pour les pays hôtes, une dynamique dont la France va sans doute vouloir tirer profit lors des JO d’été 2024 puis d’hiver 2030.


S’il est difficile d’évaluer précisément l’impact des Jeux olympiques sur le tourisme, ces derniers ont sans aucun doute servi d’accélérateur pour sa croissance d’après 2014. Sotchi aurait ainsi enregistré un regain d’intérêt de la part de visiteurs, principalement russes, avec un pic de 4 millions en 2015 et 6,4 millions en 2017, pour cette station balnéaire qui a toujours attiré de nombreux touristes (le Comité du tourisme de Sotchi les évaluait à 1,5 millions dès 1999). Néanmoins, malgré ces chiffres dévoilés par des sources officielles, la plupart des infrastructures construites pour les Jeux sont désormais laissées à l’abandon.


La forêt rasée de PyeongChang


La réalité des infrastructures des Jeux de PyeongChang est similaire, condamnées à l’abandon en raison du coût élevé de leur rénovation.

Plus de 10 milliards d’euros ont été dépensés par le pays pour investir massivement dans les transports, les villages olympiques et les sites sportifs. Le stade olympique, évalué à 84 millions d’euros, n’a été utilisé que quatre fois avant d’être démonté.


Cependant, des questions se posent sur le coût environnemental : que dire des 78 hectares de forêt du mont Gariwang, détruits pour une piste de ski qui n’aura servi que trois semaines ?


Cinq ans après, les objectifs de stimulation du tourisme hivernal et de restauration des zones déboisées n’ont pas été atteints.
Malgré tout, ces Jeux auront permis d’initier un dialogue entre les deux Corées, revenu aujourd’hui au point mort.


Les coûts… mystérieux de Beijing


Les Jeux de Beijing, survenus dans le contexte particulier de la sortie de crise sanitaire mondiale, ont mis en lumière les dérives démocratiques en Chine, telles que le traitement des Ouïghours, la répression au Tibet et l’obstruction de la liberté d’expression dans le pays.


Alors que les autorités chinoises ont déclaré un budget de 3,9 milliards de dollars, des médias tels que Insider estiment le coût réel de l’organisation des Jeux à 38 milliards de dollars, soit dix fois plus.


Les infrastructures construites pour l’occasion ont profondément transformé la région, avec de nombreux stades et sites sportifs installés dans des zones auparavant inhabitées. La piste du site alpin Yanqing a par exemple été érigée au cœur de la réserve naturelle de Songshan, entraînant l’abattage de plus de 20 000 arbres sur une surface équivalente à 1 000 terrains de football. Malgré le manque de transparence, la grande majorité de ces infrastructures reste actuellement en usage, incluant la piste de Yanqing, le parc de sports de neige de Genting ou encore le Centre national des sports aquatiques.


Alors que les autorités chinoises ont présenté Beijing 2022 comme « les Jeux olympiques les plus verts et les plus propres jamais organisés », l’événement a été entièrement dépendant de la neige artificielle ; jusqu’à 90% de neige d’origine artificielle à Pyeongchang et 80% à Sotchi. La région aride sujette à des épisodes de sécheresse a nécessité plus de 185 millions de litres d’eau et 300 canons à neige.


La Chine met en avant l’enthousiasme suscité par les Jeux parmi sa population, avec 346 millions de citoyens chinois qui se seraient tournés vers la pratique des sports d’hiver depuis 2015, et une augmentation significative de la fréquentation touristique. Les 9,43 millions de visiteurs dans les stations de ski nationales pour les seuls mois de novembre et décembre 2023 témoignent de ce nouvel engouement.


Marie PENIN