Comment les stations de ski s’adaptent-elles au réchauffement climatique ?

D’après une étude de chercheurs parue en août 2023 dans la revue Nature Climate Change, une hausse de la température globale de 2°C mettrait les stations européennes en face d’un risque « très élevé » de manque de neige. Une réalité déjà bien présente : aujourd’hui, les stations de moyennes montagnes perdent 10 jours d’enneigement tous les 15 ans, et certaines stations de basse altitude ont dû mettre la clé sous la porte. Pour ne pas disparaître, les stations doivent s’adapter.

Coup de chaud pour les stations de ski : certaines d’entre elles font déjà face depuis plusieurs années à une baisse majeure de l’enneigement, alerte la Cour des comptes en février 2024 dans un rapport sur les stations de montagne face au réchauffement climatique

C’est le cas de la Drôme, dont les sept stations sont déjà très affectées par la hausse des températures. Comme l’union est censée faire la force, elle se sont regroupées au sein de l’EPIC « Les stations de la Drôme », établissement créé en 2018 sous tutelle du Département de la Drôme, avec pour objectif de maintenir une activité économique indispensable au territoire.

« Quand les études climatiques que nous avons commandées nous disent qu’on perd en moyenne un mois d’enneigement tous les 60 ans, forcément ça inquiète. On doit trouver des moyens de s’adapter, de ne pas capitaliser que sur la neige. », alerte son directeur, Cédric Fermond. Vient alors l’adoption d’un plan stratégique général en trois points : consolider les activités liées à la neige sur les parties hautes de la montagne, diversifier les activités, élargir sur les intersaisons. La Drôme propose désormais de nombreuses activités hors-neige, mais souhaite aussi s’orienter sur des thématiques qui ne seraient pas seulement liées aux loisirs purs et durs mais à la découverte de la région, par ses espaces naturels, ses arts, sa culture. 

Culminant entre 1500 et 1900 mètres seulement, les stations de la Drôme sont particulièrement menacées. Comme l’affirme M. Fermond : « On est des pionniers dans ces questions-là, on ne dispose pas de retours d’expérience d’autres stations, donc la stratégie est amenée à évoluer. Mais c’est clair que ça génère beaucoup d’incertitudes. ». Outre la diversification des activités, le pari se tourne surtout vers des stratégies de retenues de la neige. Fervemment opposée à la neige de culture, la direction générale des stations de la Drôme développe notamment les barrières à neige, des palissades permettant de favoriser la formation de congères. L’objectif étant de doubler les linéaires existants de barrières. Pour apprendre à travailler avec un faible enneigement, des solutions telles que le développement des pistes synthétiques ou de caoutchouc pour mieux circuler sont aussi de mise. 

Cependant, force est de constater que ces problématiques ne touchent pas de manière équitable toutes les stations. Des pistes de haute altitude, comme celles de la station des Deux Alpes (2320m), jouent sur la diversification, tout en continuant de mettre en avant les activités liées à la neige, moins menacées qu’ailleurs. Si la station s’est donc naturellement transformée au fil des ans en une station 4 saisons, les vacanciers recherchent surtout l’activité neige, qui s’étale de fin novembre à mi-avril. 

De nombreuses stations de haute altitude diversifient leurs activités, devenant ainsi des stations ouvertes au public toute l’année : via ferrata, parcours de vélo, randonnées, accrobranches, balnéothérapie… C’est le cas de la station de Samoens (1600m), située en Haute-Savoie, qui propose notamment du parapente, du fat bike, ou encore des classes de survivalisme. Pour Philippe Bourdeau, géographe et professeur à l’Institut de Géographie Alpine de l’Université Grenoble-Alpes, l’enjeu n’est pas tant la diversification des activités que l’intermittence touristique : « Ce serait du solutionnisme de dire que ce genre d’activités suffira à remplacer l’économie du ski, il faut agir en phase avec les évolutions climatiques, promouvoir les activités agricoles, forestières, artisanales des régions. ». Pour lui, il s’agit également de remettre en question l’impact de nos mobilités sur le climat, c’est-à-dire sortir non seulement du tout-ski, mais aussi du tout-tourisme. 

Un constat qui renforce la thèse darwinienne selon laquelle les stations qui survivent ne sont pas les plus fortes, ni les plus intelligentes, mais celles qui s’adaptent le mieux aux changements. 


Cléophée BAYLAUCQ